La deuxième chaussure
LA DEUXIÈME CHAUSSURE
Sa main dans la mienne
Qui a construit ces arbres ?
Demande Héloïse (in 3 feuilles sur la treille éditions L’iroli)
Ce sentier « vers la Roche écrite » emprunté sur une courte distance. Juste le temps de cueillir quelques goyaviers, de ramasser quelques feuilles vernies d’écarlate. Le temps de répondre (ou plutôt de ne pas répondre) à la question d’une petite fille de 7 ans.
Je me souviens du premier radier rencontré, le bourbier laissé par le minuscule torrent charriant l’eau d’une récente pluie, l’attention apportée pour le traverser : ne pas déraper, ne pas s’embourber, ne pas trop maculer mes chaussures.
Et la rencontre : le crapaud à mes pieds, nous deux immobilisés, aussi surpris l’une que l’autre.
Voilà pour le vécu… et le haïku de « Au bout de l’index »
La boue du chemin
Un petit crapaud surpris
Face à mes baskets
Haïku illustré par Irène Dulac. Découverte… « Oh ! Où est passée ma deuxième basket, Irène ? »
Commentaire de l’illustratrice : elle a voulu adopter la vision du crapaud qui, bien entendu n’a jamais vu qu’au dessus, il y avait mes jambes et… loin, plus loin, mon regard. « Et », dit-elle, « j’ai mis la basket à l’échelle du crapaud, aussi petits l’un que l’autre »
« Aussi petits » ou plutôt « aussi grands » puisque crapaud et chaussure occupent la page à eux seuls.
Là encore, force d’une image qui donne un éclairage particulier au texte. Mes stagiaires-écrivains n’ont pas manqué de s’inspirer d’elle.
« Sur le trajet, la boue du chemin rendait le parcours difficile. Au fur et à mesure que j’avançais sur le sentier, je m’enlisais de plus en plus, jusqu’à en perdre mes chaussures. » Voilà pour l’unicité de la chaussure.
Mais allons plus loin. La chaussure étant placée à égalité d’importance avec le crapaud, elle devient un élément du conte.
Alors, les baskets s’adressèrent à Gradus :
« Petit crapaud, au long de ce chemin glissant, ne te sens-tu pas trop seul ? Ne vois-tu pas ces dangers qui t’entourent ? Ne serait-il pas plus judicieux d’avancer ensemble ? »
Haïkus et illustrations sont complémentaires.
(Monique Mérabet, 15 Octobre 2015)
NB: la lumière qui se reflète au-dessus du crapaud n'est que l'aide fortuite accordée par l'ange qui passait ce jour-là...