La fontaine du haïku
LA FONTAINE DU HAÏKU
La tortue de pierre
Silence d’une fontaine
Où je viens rêver
Landroi pou rèvé
Dann bèk tortï la fontène
Do l’o i koul pï
Haïkus extraits de « Au bout de l’index » (Monique Mérabet aux Éditions L’iroli)
Les tercets parlent de mon environnement de réunionnaise ; ils sont destinés aux petits élèves de la Réunion afin de les inciter à regarder autour d’eux, à découvrir et à savourer les merveilles qui les entourent.
Et bien sûr, tous mes haïkus sont vrais, issus d’une observation, d’un ressenti. La fontaine existe : une petite place dans le quartier du Bas de la Rivière à Saint-Denis (île de la Réunion). La fontaine ne reçoit plus d’eau depuis longtemps et plus rien ne s’échappe de la tortue en métal qui servait de bec verseur. Plus rien qu’un air de douceur venu du temps passé. Nostalgie.
Les haïkus du recueil sont illustrés par les aquarelles tendres et légères d’Irène Dulac. Librement inspirée par les textes.
Le haïku préféré de l’illustratrice qui a ressenti tout le romantisme du lieu évoqué. Et son dessin de la jeune fille qui vient y méditer ; face-à-face avec la sculpture redevenue tortue vivante se penchant sur l’eau rejaillie. À côté, juste quelques rameaux comme jaillis d’une vieille souche. Renaissance à laquelle aspire mon tercet.
Non-dit du haïku : sur la place où l’eau ne coule plus, on peut admirer aujourd’hui de vénérables tamariniers aux troncs évidés et couronnés de feuillages légers, comme ceux de l’illustration. Les a-t-elle perçus à travers mes mots ?
Pour Irène et pour moi, c’est là notre illustration préférée. Celle qui marie si bien ma vision nostalgique de l’âme du passé et la fraîcheur de sa recréation.
Ce haïku fait partie des cinq tercets soumis au groupe de stagiaires qui devaient y broder un épisode du conte. Et ce jour-là, mon tercet ne les inspirait guère. Pour les aider, je leur ai raconté la vraie fontaine à l’abandon. En vain. J’ai fini par leur proposer l’image et ils n’ont plus vu qu’elle… se polarisant sur la jeune fille et ses rêves présumés.
Une jeune fille méditait au bord de la rivière. J’aperçus sur l’autre rive, une tortue couleur arc-en-ciel.
Émerveillée par la splendeur de celle-ci, la demoiselle lui demanda, d’une voix paisible :
« Mais que fais-tu là et qu’attends-tu ? »
« J’écoute la douce mélodie du ruissellement de la rivière. L’entends-tu ? » répliqua la tortue.
Alors, les yeux fermés, la jeune fille se mit à chanter avec elle, d’une voix radieuse et veloutée.
Et quand elle ouvrit les yeux, elle fut agréablement surprise de voir devant elle, l’homme de sa vie.
Faut-il illustrer un haïku ?
(Monique Mérabet, 14 Octobre 2015)