Lendemain de fête
PAROLES… PAROLES…
La salle de la Bibliothèque Départementale était comble, ce 11 Mars pour le patio des auteurs dédié aux femmes. Ainsi soient-elles.
Beaucoup de femmes, jeunes ou moins jeunes. Des hommes aussi. Sans doute venus par devoir, écouter les femmes « papoter » ; pour soigner leur image d’hommes-parité, misogynie rentrée…
Allons ! Je me laisse gagner par ma paranoféminité, celle qui porte un regard lucide sur notre société, celle qui ne veut pas se laisser enchocolater. On efface tout et on recommence.
Il y avait salle comble pour la prestation du patio des auteures, une soirée à la hauteur de l’évènement. Sous le signe des chants d’Amélie Burtaire (textes de Céline Huet), des textes humoristiques (Huguette Payet, Monique Merabet) ou plus engagés comme le duo « Nous ne voulons pas être chocolat » de Monique Séverin et Maryvonne Finet, faisant référence à ce clown noir (chocolat) qui recevait coups de pieds et baffes. Des photos et œuvre sculptée, aussi.
Et puis ce manifeste d’Isabelle Hoarau-Joly sur les regards pesants et lourds de contresens que portent à la gent féminine, ceux de la gent masculine, mâles conquérants de paroles et de gestes. Un texte fort, direct. Qu’en ont-ils pensé derrière leurs sourires — un tantinet crispés, non ? — leurs ovations polies ? Combien se sont sentis visés ? Coupables ? Aucun commentaire masculin, pas plus qu’au texte de Monique d’ailleurs… Ils ont préféré me féliciter chaudement sur une pochade concernant les occupations ménagères. Mon balai humoristique leur a servi d’échappatoire… ça mange pas de pain.
Mais j’affabule. Ils ne sont pas concernés, bien sûr, eux qui se montrent toujours si galants, si compréhensifs, si indulgents à nos poussées de fièvres révoltées (bah ! Les hormones féminines…). Et pourtant… tel Sire rond-de-jambe n’hésite pas à présenter une collaboratrice (lui directeur, elle secrétaire) : « c’est grâce à moi qu’elle occupe son poste » Ah ! cette main sur l’épaule ! Toush pa moin siouplé !
Oui, Isabelle, tu as eu raison d’écrire et de dire — avec tant d’émotion que ta voix en tremblait — ces paroles arrachées à nos ras-le-bol, à nos écœurements, à nos intimités toujours bafouées, violentées de mots. Tu as eu raison de leur clamer que nous ne sommes ni bijoux, ni joujoux, ni petits choux… que c’est outrager nos sensibilités, nos désirs d’êtres libres… que c’est dresser des barrières à notre accomplissement.
Texte salutaire, Isabelle. Merci. Puisse-t-il bannir des propos de nos frères en humanité — la lang na poin lo zo — ces mots qui blessent, ces mots qui rabaissent, ces mots qui déconstruisent et qui tuent.
Ce serait si rassurant de terminer sur ces pensées espérantes et positives. Hélas ! Cette petite fille agressée, sévicée… un voisin, au bas de son immeuble… Et ce titre qui me révulse, à la Une d’un journal : VIOLÉE ! Mais comment pouvez-vous tracer ces lettres infâmes, marquant une petite victime de cinq ans ! Dieu que ce mot fait mal à entendre, dans son abjecte suggestivité ! Le même journal n’hésite pas, d’ailleurs, à montrer cette tête de chien torturé.
Ô peuple voyeur de sang qui coule, friand de détails d’horreur, le malheur des uns… !
La fête a souvent un goût de cendre.
(Monique MERABET, 12 Mars 2016)