Empreintes
EMPREINTES
« rendre l’être et garder l’âme, écrire »
La phrase glanée au recueil de Raharimanana (Empreintes, aux éditions Vents d’ailleurs, 2015) me donne envie de renouer avec la poésie, avec l’écriture poétique aussi.
La poésie, le meilleur moyen de filtrer les évènements de notre existence, de les dépouiller de leur pathos, de leurs griffures, de leurs scarifications au creux de notre être. « Je n’ai pas de haine », répète le poète.
Écrire, c’est sortir des cauchemars d’exclusion, de violence dont est fait le monde, c’est échapper au schéma Victime/vengeance, c’est ne pas servir au lecteur « ses tripes fumantes » (suivant l’expression d’une autre auteure, Robin Hobb). Ne pas rester à fleur de peau.
Ah ! Ne pas se soumettre non plus. Ne pas courber l’échine, encore et toujours. Écrire debout, comme on témoigne, sans crainte ni désir de vengeance.
« Les chants qui proviennent de mon ventre réclament une bouche pour dire »
Écrire et dire l’espérance. Le pouvoir incantatoire de ce « je tombe, je me relève », clamé cinquante-quatre fois… Et avancer quand même.
Comme le Christ au chemin du Golgotha : Jésus tombe une première fois… une deuxième fois… une troisième fois… Destin d’homme.
Et à la fin du texte de Raharimanana, noter le « je tombe, tu me relèves » reliant « Je » à l’autre.
Écrire pour avancer, donc. Pour creuser son sillon d’instant. Et s’il n’en reste pas toujours de traces visibles, l’empreinte est là, profonde, en filigrane.
« La trace est du près, ce qui n’a dansé que sur la peau
l’empreinte est du plus loin, ce qui n’a dansé que par nos oublis »
Ces marques que laisseront l’écriture de poètes reconnus ou restés inconnus, comme j’en ressens la vérité, la réalité. Tracer ses mots, ses phrases — « écrire est une illusion bien réelle » — n’est-ce pas donner consistance à ce que l’homme peut arracher au divin ?
J’ai toujours eu foi en cette capacité de transcendance de la poésie.
Ma lecture de ces « Empreintes » me donne l’envie de reprendre le cours de mes poèmes. C’est donc en toute fraternité (bien modeste pour ma part) que je partage ces mots écrits pour moi, lectrice-poète :
« parfois en me réveillant, je suis convaincu de pouvoir
changer le monde. Alors je travaille
je biffe, je rature
je tanne. »
(Monique Merabet, 4 Juillet 2016)
Nota : Je ne prétends pas, par ces quelques notes brèves, rendre compte de la richesse du recueil. Chaque texte mériterait qu’on s’y arrête. Mon article n’est qu’un instantané de réflexions d’après-lecture, qu’un ressenti immédiat. Mais un recueil de poésie ne peut s’apprécier pleinement que dans la durée, dans la relecture assidue d’un livre de chevet.