Avant que le vent se lève
AVANT QUE LE VENT SE LÈVE
Jour d’hiver avant que le vent se lève : ma composition d’aujourd’hui.
Si j’étais peintre, je mettrai le ciel gris. Mais ce gris, comment le nuancer ? Blanchâtre , beigeâtre par endroits, gris clair, gris perle…
Les miettes d’hier
soudain la tourterelle
au pied de la table
Et des trouées de bleu pour le chant infatigable des oiseaux.
Je dessinerais aussi mes orteils qui frissonnent déjà, légers traits ondulés pour évoquer les frissons. Et ce frémissement autour des feuillages. Le vent va venir, le vent arrive. V des ailes, voulvoul des envols.
Si j’étais musicienne, je mettrais ces voix off murmurantes derrière les portes fermées (le vent arrive). Que disent les voix ? N’oublie pas ton blouson, ton k-way, ton coupe-vent, ne prends pas froid… ou bien le téléphone : comment allez-vous là-bas ? Comment évoquer là-bas d’une image mentale ? Une trouée de ciel bleu pour dire la mer qui nous sépare, infranchissable et pour longtemps.
Si j’étais chorégraphe, maître à danser, je ferais répéter aux longs rubans des iris leur ballet, plus souple, allons ! plus délié quand le vent passera. Vos ombres emmêlées sur l’écran imaginaire d’un mur qui n’existe pas. Décrire aussi le sautillement des moineaux (duvet blanc d’hiver) entre les barbelures de la clôture. Mouvement mécanique des becs plongeant vers la mangeoire, se frottant aux fils du grillage. Trop collant, mon riz ?
Si j’étais jardinière émérite, j’irais vite mettre mes semis à l’abri (le vent arrive, la feuille me l’a dit). Vous aimez le vent, les coquelicots ? Et puis, j’irai voir si l’iris…
Non. L’iris n’aime pas le vent ; l’iris attend le printemps ou l’éclipse de jeudi. Ne rien en perdre.
La prochaine éclipse
dans deux cents ans
qui se souviendra de nous ?
Jour de vent
si j’étais photographe…
première tomate
(30 août 2016)