En attendant l'éclipse
EN ATTENDANT L’ÉCLIPSE
Mercredi 31 Août 2016
Veille d’éclipse
le merle Maurice
face-à-face
Je guette, j’invente un peu de mauve aux nuages côté mer ; un ciel bleu pâle se découvre. On attend le soleil.
L’astre sait-il que demain, son chemin croisera celui de la lune qui l’épie depuis si longtemps ? Sait-il qu’elle va tenter de l’éclipser, pas entièrement certes, mais qu’il ne sera plus qu’un anneau, un halo de la belle des nuits ?
Jeu de hasard… Et si, demain, rien ne se passait ? Si la lune faisait mentir les savants calculs ? Si elle allait se cacher, hors de son orbite habituelle ?
De toute façon, nous ne saurons rien de la rencontre. La lune offrira au soleil sa face que nous n’avons jamais vue. Sourira-t-elle ? Grimacera-t-elle ? Lui parlera-t-elle, à celui qui l’évite soigneusement d’habitude ?
Ah ! Te voilà enfin mon soleilounet ! Te voilà pris au piège de ma rotondité. Quelques heures, une infinité… soustrait à la ferveur de tes admirateurs terriens. Pour une fois, ils verront qui est la plus forte, kél koté marmite lé noir. Eux qui m’oublient quand je suis « nouvelle », qui m’ignorent quand ils ne me voient pas. Oui, moi, la rejetée, au fénoir dévolue, je viendrai estomper la gloire de ton midi. Et là, impuissant à te dégager de mon ombre, tu n’épandras plus qu’une lumière obscurcie, un oxymore… 12 h = 24 h ! La belle publicité, comme celle qu’on trouve sur les rouleaux de papier toilette « compacts ».
Repas d’oiseaux
à deux carreaux de mes pieds
la tourterelle
Et vous les oiseaux, que ferez-vous ce jour-là ?
Ouais ! Tu dépasseras un peu, soleil de nuit ! Je ne suis pas assez grosse pour te cacher entièrement. Mais ce qui filtrera par les côtés, sera funeste aux imprudents. On te fuira, on ne lèvera plus les yeux vers toi. Enfants, voici la lune qui passe, tirez vos épais rideaux…
Jeudi 1er Septembre 2016
Pointe blanche
l’iris attendra
jour d’éclipse
à quoi bon s’ouvrir
pour si peu ?
Le jour a commencé comme si de rien n’était, dans la lignée des jours d’hiver inaltérable du mois d’Août. En coup de vent, me déséquilibrant sous mes trois épaisseurs de vêtements.
Le soleil s’écrase sur les toits de l’est, conscient ou inconscient du rendez-vous fatal de Midi.
La lumière est-elle différente en ce matin qui doit celui de l’éclipse ? Quand faiblira-t-elle ? Verrai-je le ciel s’assombrir ?
Je sais, je sais, tout est prévu, calculé, à la centième de seconde près. Mais ce petit grain scientificonoclaste qui se balade depuis toujours dans mes idées, me souffle que peut-être… et si… rien ne se passait ? Si la lune la vir la mok, a tourné casaque. Je jubile déjà ! Si la lune ne passait pas devant le soleil, mais derrière ? Hi ! Hi ! Hi ! Devant/derrière, dessus/dessous, voilà bien des concepts qui n’ont pas de sens dans l’espace.
Lune y es-tu ? Lune, quelle heure il est ?
Lune nouvelle, indique le rond noir marquant ce jour au calendrier. Pas le moment de semer encore, c’est le conseil que je donnais hier au marchand de légumes. Il voulait cultiver des fleurs « qui se mangent » : coquelicots et capucines. Attendez la lune croissante, les semis lèveront plus vite. Il ne savait pas.
Il ne savait pas non plus que les capucines poussaient au bord des chemins, autrefois, au temps de mon enfance. Je dis « quand j’étais petite… », une époque reculée qui ne lui dit rien. J’aurais aussi bien pu annoncer que j’avais connu les dinosaures…
Les capucines, pourtant, je m’en souviens si bien.
Vous les soleils de mon enfance
Je chante encor vos gais tapis,
Vos ors, vos cascades garance
Déclinant leurs feux infinis.
Jalons de notre libre errance
Suivant les pourpres confettis
Vous les soleils de mon enfance
Je chante encor vos gais tapis
Capucines d’incandescence
Gardez dans vos éclats rubis
La magie et l’insouciance
Des jeux aux parfums paradis
Vous les soleils de mon enfance !