Exercice d'écriture

Publié le par Monique MERABET

Exercice d'écriture

EXERCICE D’ÉCRITURE

Levée trop tard

j’ai raté le rendez-vous

du merle Maurice

pas non plus de cardinal

oh ! que le printemps est loin !

Seul habitant de mon champ visuel, un moucheron… ron, ron. Je dois m’en contenter, heureuse qu’il ne soit pas à se balader dans mon œil.

Le soleil entre deux — voilé, nuages légers/compacts — met une ombre timide au mur. Le temps de l’écrire, elle s’efface. Il fait plus frais.

Ah ! Il y aura peut-être la tourterelle qui s’aventurera jusqu’à la véranda. Je sème une poignée de riz sur le carrelage.

Exercices de mots du matin. Taïchi d’écriture… Esquisses.

Derrière la clôture, les pas font crisser le gravier. La femme répète pas du tout, pas du tout, pas du tout — Le voilà, l’oiseau chapeau… brève salutation avant de disparaître — j’entends aussi « dans la cuisine … » et le reste du soliloque (s’il y en a eu un) s’est éloigné.

Une femme, c’est certain. Grommellement fâché, répétant en boucle une incantation, des excuses ? Elle semble poursuivre une conversation d’adultes. Une espèce de dénégation apportée à une accusation injustifiée.

L’homme, le mari, l’amant, lui ayant reproché une infidélité. Peut-être pas une infidélité : l’affaire aurait été plus tragiquement conclue. Juste un soupçon, une attitude ambigüe. Tu as fait exprès de te coller à mon copain, hier soir ? relent de sortie en boîte, d’homme ivre qui s’est écroulé sur le canapé à quatre heures du mat et qui retrouve ses griefs pâteux au matin.

Ou plus simplement, c’est toi qui a renversé de l’huile sur le lino de la cuisine, hier soir, j’ai failli me casser la figure ? Pas du tout, pas du tout, pas du tout. C’est ma mort que tu veux, hein, pour courir dans le lit de Freddie. J’ai bien vu comment tu te serrais contre lui.

Pas du tout, pas du tout, pas du tout. Elle le sait pertinemment que c’est lui qui a voulu manger du riz chauffé, à quatre heures du matin, je vous demande un peu. Elle avait refusé, bien sûr, trop fatiguée à ne plus tenir debout. Vite se débarrasser des ces talons aiguilles pointure 39 (il n’y avait plus de 40) lui cisaillant les chevilles et les orteils gonflés, il faut souffrir pour être belle, avait dit Karine qui l’avait induite à cet achat.

Il avait réveillé sa mère qui squattait chez eux depuis… combien de mois ? Si longtemps, trop longtemps. La vieille s’était levée en si bémol, s’était traînée jusqu’à la cuisinière, ravalant ses protestations, se frottant ses yeux bouffis de ses mains qui tremblent (je suis sûre qu’elle a Parkinson ou quelque chose comme ça) ; elle n’ose pas désobéir à son fils. C’est lui le chef de famille, de tribu , de clan maintenant.

Et finalement, ce matin, c’est elle, Claudia, qui a reçu la gifle. Elle a eu peur, ses yeux durs, ses yeux fous quand il a levé la main sur elle, faisant fi de ses dénégations. Pas du tout, pas du tout, pas du tout.

Qui veut noyer son chien… Et la vieille, silencieuse, une espèce de petit sourire tordu aux lèvres. Ele n’a jamais accepté l’intruse, l’étrangère, pas de la même communauté. La femme impudique, sans religion.

Claudia n’est pas sûre qu’elle reviendra.

Elle passera récupérer son linge, tout à l’heure ; il ne sera pas rentré du travail, les enfants (qui ne sont pas les siens, à elle) seront à l’école. Et la mama vissée devant la télé ne la remarquera même pas.

(5 Septembre 2016)

Publié dans chroniques d'hiver

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