Le chat entre deux capucines
LE CHAT ENTRE LES CAPUCINES
Chat noir et blanc (chatte bientôt accouchant ?) près des capucines. Aime-t-il la lumière tango des corolles ? Les deux fleurs ne sont pas du même orangé, pas tout à fait.
Capucines vaironnes ? Messire chat s’en fiche éperdument. Il s’est posté là à cause des oiseaux. D’habitude, ils sont tous là à se chamailler autour de la mangeoire pleine de riz.
Tu es en retard, ce matin, me disent ses yeux printemps.
Je m’insurge : qu’en sais-tu minet accusateur ? Que sais-tu de mes réveils lents ? Ouvrir une paupière… puis l’autre… me retourner par petits angles prudents… échauffement des muscles prêts à la crampe… étirement des vertèbres… un pied… puis l’autre — Attention ! le droit d’abord — où est passée cette fichue savate ?
Réveil d’humaine de près de soixante-dix ans. Tu n’y connais rien, toi le chat qui, d’un bond, disparaît derrière la clôture — Ah ! le mal que j’ai eu, à faire passer par-dessus la palissade le ballon des voisins, hier à la brune — toi qui te glisses comme un rai noir et blanc sous le portail !
Vendredi seize
un mal de dos me poigne
au bas des seize marches
Mais je sais pourquoi tu es venu, le chat, pourquoi tu t’es immobilisé là, le temps que je grimpe l’escalier — Vous êtes sûrs qu’on n’a pas rajouté des marches, ces derniers temps ? — et que je revienne avec mon appareil photo.
Clic ! Tu t’avances un peu. Clic ! Ta petite gueule déçue. Moi aussi, je suis déçue : je t’aurais rêvé, juste entre les deux capucines…
Et tu me quittes, dédaignant ma page d’écriture qui t’est consacrée. Aux fourmis mes mots ciselés…
Tu ne reviendras pas ? C’est sûr ? Alors je peux donner du riz aux oiseaux.
Posté devant les capucines
Un chat noir et blanc, à l’affût
Sur ma photo, tête féline
Un air de grand chasseur déçu
(28 Septembre 2016)