Un haïku m'a dit
LE HAÏKU M’A DIT
Les jours se suivent et se ressemblent. C’est ce que j’écrivais déjà hier. Du moins, ce que j’ai eu l’intention d’écrire. Et puis, un oiseau, un chat, un moucheron viennent interrompre le rythme des heures lentes et creuses. Parfois un haïku…
Le billet de l'éditrice de Liroli sur le haïku : vie d’esprit, vide esprit et le coquelicot. Haïku, qui es-tu? dit-elle.
Chaque instant en a le potentiel et pourtant… seuls cette fulgurance là, ce coup au cœur là se laisseront glisser en mots, en partition de trois lignes, kigo (peut-être) et kireji (sûrement) à la clé.
Ce frémissement
au bout des fleurs naissantes
est-ce un haïku ?
Non, peut-être pas. Juste mon horizon, carré bleu que délimitent paravent et mur et clôture. Carré qui tend vers l’infini. Mathématique et spiritualité.
Tranche de bleu
entre mur et paravent
un chant au loin
Espace-temps élargi. La vastitude s’échappant du fragment syllabique. Mon souffle dix-sept mores et le non-dit abolissant le carcan temporel, dispersant mon âme en un espace vie d’esprit… vide esprit…
Vis d’esprit ! Le haïku porte conseil à celui qui a égaré son âme au marigot des désirs morbides, à celui qui a bazardé son cœur par-dessus le moulin aux ailes brisées que le vent ne fait plus chanter.
Casserole vide
souvenir du riz d’hier -
un oiseau s’est posé
Haïku reliant présent et passé, non-dit suggéré. Cette impression de retrouver une ambiance déjà vécue, au fin fond de mon âge.
Et cette étrange sérénité qui habite soudain le monde, pause généreuse de l’esprit dilaté aux confins de l’incommensurable, de l’impondérable. Qui a dit que je ne saurais pas voler.
(20 Octobre 2016)