La bâtarde du Rhin (2)

Publié le par Monique MERABET

La bâtarde du Rhin (2)

Mais l’île n’est pas (n’est plus ?) Éden ni harmonie et Kozima — avatar de Cosima qui signifie étymologiquement harmonie — ne trouvera pas de prime abord l’accueil espéré.

En Europe ou à la Réunion, Monique Séverin donne à son récit un ancrage historique solidement étayé et nous rappelle des faits peu connus comme la place des soldats réunionnais dans la Première Guerre mondiale ; quant au destin de femmes prises dans la tourmente des abominations hitlériennes, elle lui donne un éclairage nouveau par le biais de ces métissages imbriqués, ramenant à l’île à métisser qu’est notre île. C’est là que se sont noués tous les brins de nos origines, laminés, élavés pour un fin tressage analogue à celui de la paille chouchou des capelines.

C’est ainsi que  La bâtarde du Rhin devient l’histoire de notre île réunionnaise comme si le métissage ne prenait pleinement son sens qu’aux spécificités d’un peuplement. Comme si ce fragile tapis mendiant de couleurs, d’origines, de religions, de cultures avait trouvé sur cette terre un accueil plus favorable, le rendant plus « normal », plus « banal » aux yeux des réunionnais que partout ailleurs dans le monde.

Rappelons-nous « l’héritage de la honte noire » dans le nazisme :

 

« elle était d’une espèce maudite — anomalie, erreur génétique, bizarrerie qui ne devait pas se reproduire. » dit Ralf le cousin allemand de Kozima.

 

D’ailleurs tout au long du roman, l’île est présentée sous la configuration matricielle des trois cirques et Kozima effectuera une sorte de pèlerinage dans ces lieux d’enfantement, chacun délivrant un fragment de sa généalogie éparpillée.

Mais, bien entendu, Monique Séverin n’ignore rien (et ne cache rien) des fragilités, des contradictions du monde réunionnais, des failles de ce qui aurait pu être un patchwork somptueux. Comme dans ces propos de Roger Lallemand, « blanc » de Salazie :

« Voyez-vous, très chère, depuis longtemps dans notre beau pays les blancs fricotent avec les noires, de gré ou de force en ce qui concerne ces dernières. De là à les épouser ! »

Et me revient cette phrase de Marie-Claude David-Fontaine lors d’une causerie sur les origines d’emblée métissées de notre peuplement : « On aurait pu mieux faire ». Certes.

Publié dans Notes de lecture

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M
Merci pour ces lectures sensibles.
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