Rêver d'Amérique
RÊVER D’AMÉRIQUE
Autrement lu
dans ces yeux qui ne voient plus
passe tant de joie
Journée de lecture, d’écriture pour les déficients visuels. Dira-t-on, comme ce fils de 7 ans à son père non voyant : « Toi, qui ne sais pas lire… ». Confondre savoir et pouvoir.
Lire autrement, avec les doigts, avec les oreilles… lire et chanter. Le chœur émouvant mêlant bien-voyants et mal-voyants — partition en Braille pour certains ? Cette fille mal à l’aise — nouvelle arrivée ? Pas encore intégrée ? pas encore acceptante ? — qui n’ouvrait pas la bouche, le visage si triste. La joie illuminant les autres voix. Chanter dans le fénoir, être ensemble sans se voir, se concentrer sur la note qui va sortir. Trop hâtive, pas la bonne… aucune importance, on recommence. Les voix s’unifient, se détachent en soli convaincus, convaincants. Je fredonne avec eux Malalaïka, je souhaiterais être parmi eux… joies d’autrefois.
« Joyeuses fêtes ! » se souhaite-t-on, en se quittant. « Pas joyeuses, dit-elle, ne me parlez pas de joie… pour moi, en ce moment, il n’y a pas de joie… »
Je ressens pour ma part, cette joie qui peut naître et croître, faisant oublier les pétards et les paillettes. Noêl apporte encore la joie de partager les moments d’ensemble.
De partager la confiance de ce jeune homme qui ne voit pas et que je guide — avec mes maladresses de « voyante » — vers la cafétéria. Il s’inquiète de l’heure fixée par l’accompagnatrice qui l’a mené là, il craint d’être abandonné, peut-être… Il a des messages à écouter ; il a participé à un atelier d’écriture le matin. Il rêve de voyage en Amérique, de dormir à l’hôtel, de profiter de la piscine, de s’allonger sur une plage à Miami.
Sourire et s’asseoir au bord de son rêve, le vivre avec lui, le temps d’une minute papillon.
Lendemain d’orage
aux feuilles des capucines
les fourmis ont bu
(4 Décembre 2016)