Illusoires
ILLUSOIRES
Page d’écriture
avant de prendre
des nouvelles du monde
Le geste qui sauve : décapuchonner le stylo à l’encre violette. Lâcher sur le papier quelques signes. Sans savoir où mènera le chemin de lettres qui se dessine, tantôt torrent disert, tantôt méandres paresseux qui s’enlisent au marigot des pensées, des souvenirs…
Mais les souvenirs sont de bonne composition. Ils remontent à l’enfance heureuse, toute barbouillée de soleil et de capucines, de vavangaj… de temps aboli. De vacance.
L’insouciance en moins, les moments-haïkus permettent de retrouver cet état de béatitude intemporelle, d’échappée vers l’infini. Je me repasse le rose des nuages d’hier soir et la lune qui s’arrondit. De quoi se nourrit-elle, de quoi se féconde-t-elle ? De nos rêves, sans doute. Dès le premier croissant, nos cœurs se dilatent pour suivre ses métamorphoses. Illusions de terriens.
J’aurais aimé la prendre en photo, auréolée de nuages (les roses, oui, de plus en plus roses). Il me vient toujours ces désirs absurdes de rétrécir ou agrandir le cosmos à ma mesure, déborder les rives de l’observation, laisser ma rétine créer ses propres images. Réflexe de myope habituée à voir dans chaque feuille un oiseau.
Hier encore, cet illusoire buste détaché du tronc du pistachier. Et le soleil pris aux branches du manguier : bien cadrer la feuille dorée. Les feuilles de l’évi jaunissent aussi faute d’eau. Saison sèche et chaude.
Tintement
le ramasseur de canettes
dans la ruelle
Petits bruits familiers, ordinaires. L’année prend son rythme de croisière. Avec. Sans.
« J’écris, tu écris, nous écrivons, comme autant de pierres contre l’écroulement du monde », me dit Blandine .
Ah ! La feuille est tombée et le ciel s’est couvert.
(8 Janvier 2017)