Chiyo-Ni, une femme éprise de poésie
CHIYO-NI
Une femme éprise de poésie
Restons vivants ! le cri des amis poètes en ces temps troublés… trouver en ce ciel gris, raison d’espérer. Le muguet déjà défleuri, dit une autre amie, j’ai cueilli mes premières roses et pivoines. Longue vie aux fleurs de l’été qui viendra !
Comme ils sont beaux
les rêves que je fais encore
de printemps en fleurs
Et si je m’offrais un bouquet de haïkus ? Tout un jardin ? Celui de Chiyo-Ni, justement. Me ressourcer à ce liseron :
Au seau du puits
un volubilis enroulé
J’irai quêter l’eau
Ah ! Croire encore que demain, les hommes se partageront un peu d’eau de leur puits.
Les haïkus cités ci-dessus sont puisés au recueil
CHIYO-NI
Une femme éprise de poésie
(paru en 2017 aux Éditions Pippa)
Un beau titre qu’ont choisi Monique Leroux-Serres et Grace Keiko pour cette suite de deux cents haïkus de la poétesse, qu’elles ont traduit et qu’elles présentent ici. Un inoubliable voyage dans la poésie de cette femme du XVIIIe siècle, venant d’un Japon devenu mythique à nos yeux d’occidentaux, pratiquant avec sagesse l’art de rester vivants.
L’ouvrage commence par une biographie de Chiyo-Ni, tombée dans « l’étang » de la poésie et de la peinture dès sa plus tendre enfance, ses parents tenant un atelier de montage de rouleaux de calligraphie. Étonnant parcours que celui de cette femme qui sera tour à tour chef d’entreprise, nonne, professeur, voyageuse et… avant tout, haijin et calligraphe. Une vie accomplie « bien qu’elle soit une femme », à sa façon de femme, sans rien renier de sa féminité.
La présentation des textes de Chiyo-Ni par Monique Leroux-Serres et Grace Keiko, rompt avec le classement traditionnel par saisons… pour le plus grand bonheur de la petite faiseuse de haïkus réunionnaise que je suis, aux saisons décalées d’un autre hémisphère.
Les haïkus retenus — « Nous avons évités de reprendre beaucoup de haïkus déjà présentés dans des ouvrages en français », disent les auteures — sont mis en scène en deux parties :
La beauté du monde (paysages… fleurs, plantes, arbres… oiseaux, insectes) et La vie humaine (vie quotidienne, vie de femme, vie de poète, vie spirituelle)
Je retrouve dans cet ouvrage quelque chose de l’esprit des « Notes de chevet » de Sei Shonagôn. Chiyo-Ni porte sur les choses qui l’entourent le même regard optimiste, serein, léger. Suivre ses pas de haïkus, nous mène à l’émerveillement, au sentiment que tout ce qui fait notre quotidien est important et précieux.
On ne peut pas faire recension d’un tel ouvrage sans citations : l’occasion de me replonger dans ce recueil agréablement mis en page et finement illustré. Cela m’est pur bonheur et enchantement. Et les poèmes que je glanerai aujourd’hui ne seront pas ceux d’hier ou de demain. Ils sont toujours échos de mes pensées du moment, résonances avec mon humeur du jour ; ils sont aussi éclats de joie qui illuminent ces instants.
Alors, pour fleurir ce Premier Mai, pour qu’il nous soit joyeux…
Même les poussières
sur les pailles porte-bonheur
sont belles ce matin
Quel trésor
mais quel trésor
ces premiers rayons de soleil
Le mois des lettres
En guise de réponse
une feuille tombe
La cuisson du riz
oubliée en contemplant
les bambous sous la neige
Je me demande
un mois après la pleine lune :
qu’est devenu l’éventail ?
(Monique Merabet, 1er Mai 2017)