Un arrosoir...
UN ARROSOIR
Placer
un arrosoir
sous la gouttière
me revient comme un chant
d’adieu
Je ne saurai concevoir un jardin sans arrosoir… même si je ne m’en sers plus pour arroser, sauf sur le balcon. J’en ai toute une collection, des petits, des gros, en plastique, en tôle (fabriqués exprès pour moi par le ferblantier de Saint-Leu) ; je les promène dans mes parterres, au pied des arbres, recomposant un décor aux charmes longtemps, un jour au milieu des iris, le lendemain adossé au pot du dracena ; ils offrent un support au liseron ou au cactus ; Ils servent accessoirement d’abri pour lézards ; ils rassurent les plantes qui savent que je ne les laisserai pas se dessécher par temps de sécheresse.
Je leur raconte le bassin sous le pied de citrons chinois du jardin d’enfance, réserve pour les jours où tarissait le robinet. On y prélevait de lourds arrosoirs emplis d’une eau trouble où miroitaient les nappes huileuses du pétrole répandu contre les moustiques, on les déversait parcimonieusement dans les parterres de zinnias, d’anémones, de gerberas, de dahlias, tout un fouillis de fleurs qu’affectionnait ma mère.
Par temps de pluie, le bassin débordant nous offrait la fascination — la répulsion aussi — de grappes d’œufs gluants, de grouillements de têtards… de crapauds se chevauchant : leçon de choses in vivo.
Et le souvenir de l’amie morte, assise dans le bassin vidé qu’elle voulait débarrasser de ces coassements insupportables sous sa fenêtre.
(30 Août 2017)