Sous le manguier
SOUS LE MANGUIER
Lève-tard
vite ouvrir les volets
sur mon visage
la farine
de pluie
Contre le mur jaspé de moisissures, le rose discret des belles de nuit qui se ferment. Closes pour la journée même si celle-ci s’annonce brumeuse.
Les fleurs ne connaissent pas l’insomnie ; j’envie leur horloge biologique immuable.
Il suffit parfois d’un moustique pour que je l’on se retrouve éveillé, égaré dans l’obscurité. Certains se lèvent, lisent, écrivent, repassent… mon âge sait qu’il ne peut sauter une séquence de sommeil sans dommage.
Alors, je choisis de rester là, d’attendre dans le noir, reposer au mieux mes os et mes muscles, chasser les pensées soucieuses. Attendre. Apprivoiser le chant des acouphènes, contrepoint au silence de la ville.
Parfois, un cri s’élève. Un animal ? Un enfant ? Il est souffrance. On n’entend guère de rires émailler l’après minuit. Un éclat de voix, une porte qui claque, un volet qui grince… pas toujours la faute au vent.
Nuit rendue encore plus terrifiante par l’absence de lune. Déshérence.
Le tronc nu
un spectre posé
dans le noir
volets refermés
sur la peur
Sous les arbres de la cour, les ombres s’approfondissent, se densifient. Là, au pied du manguier, la forme d’un… cercueil ?
Tout un monde d’invisibles, d’apparitions remonte à la surface. Peur de ce qui pourrait surgir, de ce qui dort sous la terre, de ce qui pourrait jaillir d’un subconscient glauque et turbide. Cauchemar d’un magma susceptible de se projeter en volcan.
Oiseaux blancs de l’aube
le manguier n’est qu’un fouillis
de chants
(24 Octobre 2017)