La chenille en catimini
LA CHENILLE EN CATIMINI
Douze kilos
courge ramassée là-bas
au clair de la lune
l’énorme chenille jaune
dans ma nuit ennuagée
Longtemps, j’ai hésité : chenille ou feuille racornie ? Mimétisme de nuit près du cœur-de-bœuf, elle m’est apparue, tout à coup ; ou plutôt, soudain, je me suis demandé si…
Un limbe oublié, pris au tramail de la clôture, cela n’a rien d’exceptionnel et dans l’ombre, la forme oblongue est d’un beige grisâtre. Je me suis souvenu de la chenille se traînant sur le muret et celle de la feuille du croton. À chaque fois, le même étonnement : Si grosse ! Mais quel monstre de papillon en sortira ?
Croiser la route d’une chenille — aussi monstrueuse soit-elle — est un acte libre de toute superstition ; aucun proverbe ne nous met en garde. Et pourtant, me revient un peu de la répulsion que j’éprouvais à leur encontre surtout de celles aussi volumineuses, propres à générer des boisseaux de cauchemars… je me suis raisonnée depuis.
J’ai songé un instant — un instant seulement — la mettre dans une boîte : pour les petits de Maternelle qui s’émerveilleraient de la métamorphose. Et le papillon, sphinx tête de mort, je crois, si mystérieux… icône d’Halloween. Et puis de quelles feuilles se nourrit-elle ? Il faudrait prévoir une provende faramineuse pour un tel appétit !
Mais ce qui m’a arrêtée dans mon idée de capture, c’est comment l’attraper, décrocher les pattes du grillage… tchouic ! Ne pas y mettre la main, non, je ne saurais m’y résoudre.
Alors je l’ai laissé continuer sa balade nocturne de l’autre côté, priant pour qu’aucun chat ne saute la barrière cette nuit.
Elle est restée là, un moment, à surveiller ma vaisselle puis elle s’est glissée sur le métallique, évitant habilement les barbelures. Bon vent !
(7 Novembre 2017)