Vers le tachisme en photo
LE TACHISME EN PHOTO
Photo retouchée
on lui a volé
vingt années de vie
Ce matin, ils moutonnent, les nuages : altocumulus ? cirrocumulus ?
Mouton, c’est le nom qui convient. Tout un troupeau échappé de la minuscule planète du petit Prince. Tranhumance.
Coton. Tout un champ. Mon cotonnier facétieux qui couvre de neige l’arbre à pain, parti là-haut, au pays des anges.
Rejoindre la lune retrouvée — Ah ! Se lever un peu plus tôt, profiter de la brise matinale — un peu an kaskasé, écornée, mais, bon ! Je sais qu’elle continue sa course dans son entièreté de sphère, que c’est la Terre qui ne voit pas.
La lune aime les surprises. Kashiète ! Sous mon épais couvert de nuages, tu ne m’as pas vue… Coucou ! Alala moin la…
Une petite fleur-flamme — toujours pas de nom — que j’essaie de photographier au zoom, assise à ma place. Plutôt réussie. Non ?
Par contre, pour le cardinal en la mangeoire… Aïe ! Mon zoom a fourché, dans ma hâte à fixer ce rouge : un invraisemblable zanbrokal de rouge et de noir, et pourquoi est-ce si sombre ? Personne ne reconnaîtrait le mâle rouge dans ce barbouillage ? Façon tachisme… une école de peinture ?
J’étais prête à l’inventer, ce nom, à l’extirper de mon passé de myope. Mais — béotienne que je suis ! — bien sûr, cela existe, le tachisme en peinture « style de peinture abstraite répandu en France dans les années 1940 et 1950 »… la suite sur Google.
Ah ! Comme j’aurais aimé qu’une photo tachiste me représente ! J’aime le principe du haisha (haïku + photo) où l’image est décalée par rapport au texte. Ainsi, pourrais-je être symbolisée par un être (un oiseau ?) ou un objet (un arrosoir ?) qui ressemble à mon âme haïkiste… Rester dans le suggéré.
Je revendique le même type de « sublimation » artistique pour un portrait. Pourquoi se contenter de reproduire des traits humains (front, nez, bouche, cheveux) qui se ressemblent tous, au fond ? Pourquoi ne pas envisager plutôt un angle de prise de vue original — vue de dos, j’aimerais bien, surtout quand ma tête sort des mains de la coiffeuse —, un flou — qui serait en harmonie avec ma propension à me balader dans tous les nuages de rencontre —, un gros plan sur un détail particulier — une ride, celle qui n’était pas là hier encore, cette tache de vieillesse héréditaire, ma mère et ma sœur avaient la même, au même endroit —, bref, une personnalisation touchant à l’âme.
Euh… pas de retouche photoshop surtout ! Pas de lissage, de gommage, de blanchissement de peau, de noircissement de cheveux… Rester vraie, rester ce que je suis.
(9 Novembre 2017)