Dessine-moi un café
DESSINE-MOI UN CAFÉ
Le goût du café
matin après la pluie
soleil qu’attends-tu ?
Mes goûts imparfaits, obsolètes, papilles restées branchées du côté de la belle enfance : le café léger, le gâteau mal cuit…cela fait rire les plus jeunes.
À l’expresso, aux dosettes formatées, je préfère le café coulé, peu importe la grègue*. Ce qui compte, c’est ce temps du goutte-à-goutte, la longue patience du breuvage passant à travers le filtre (philtre ?). Alchimie parfois aléatoire quand le cornet de papier se replie.
Café coulé dans la grande cuisine au feu de bois, toute noircie de salpêtre, ma sœur et moi nous disputions l’honneur de verser la petite tasse d’eau bouillante sur la mouture — on peut y aller, Grand-mère, on peut ?
J’aime le café (trop ?) sucré, rouspète devant le petit boudin refermant la dose infime de poudre octroyée au restaurant. Souvenir de ces tasses minuscules offertes sous le pied de mangue ou de letchi abritant les visiteurs. Maman et Grand-mère déclinaient… se tenant à leur rite du café matin pour le réveil, café midi pour la digestion et après… Non, merci ma fille, l’est trop tard, a soir, mi guingnera pu sommeil.
Papa ne refusait jamais : deux cuillers de sucre — ingrédient qu’il contribuait à produire — qui remplissaient un bon tiers de la tasse et qu’il se gardait bien de faire fondre. Le breuvage avalé bouillant laissait au fond de la tasse un sirop qu’on allongeait parfois d’eau pour en faire profiter les enfants, café clair… friandise que les petites filles étaient fières d’avaler, fières de participer aux rituels des grand monde.
C’est ainsi que se transmettaient les goûts…
Embellie
les oiseaux reviennent
jusqu’au riz
(4 janvier 2018)
*grègue : le récipient recevant le café après son passage dans le filtre. En verre dans les cafetières modernes, elle était en zinc, fabriquée chez le ferblantier du coin…