Jeux d lézard
JEUX DE LÉZARD
Ouvrir les volets comme on ouvre les bras. Le matin est si accueillant, aimable, ponctué des sautillements incertains des moineaux devant la mangeoire. Ils n’ont pas faim ?
Lézard en arrêt
seules la queue et la langue…
courbes au soleil
Tenter un haïku pour capter ces mouvements brefs et synchrones d’un repas, proies invisibles à mon œil dans l’ombre. N’est-ce point là, beauté ?
Pas la beauté inspirant au poète ces vers, en tout cas :
« Je hais le mouvement qui déplace les lignes
Et jamais je ne pleure et jamais je ne rit »
Jamais ? Oh ! Le triste destin !
Du jour, ouvrir la fenêtre et boire à ce bleu, à ce soleil en rayon, à l’incomparable broderie de la toile d’araignée. Il fera chaud, accablant… tout à l’heure, plus tard.
Je contemple l’ananas dressant son toupet de bractées coupantes. Rêver soudain d’un gant de fer pour peigner le fuit, lui faire des tresses.
Une bouffée de parfum sucré m’arrive : l’ananas aime l’idée d’être caressé, peigné.
Le lézard a disparu vers une autre poche de soleil, laissant l’arête du mur vide de fourmis. Ma tasse est vide, elle aussi. Mes pensées traînent un peu, baguenaudant en silence. Rien qu’un menu grattement sur le papier.
Sur mon papier mauve
une fourmi passe
bruit d’écriture
Écrire, écrire, écrire, offrir des buissons de mots où s’abriteront les fourmis. Lettres en cursive, lettres hautes, lettres basses, allitérations visuelles comme dans la poésie chinoise.
Illusion. La calligraphie alphabétique ne me laisse guère le choix en la matière, cependant.
Quand à celle du clavier, elle uniformisera la police, la taille… ennuyeuse ?
Pas forcément. On peut jouer sur les espaces. Lire entre les lignes, entre les mots… calligrammes du vide.
(28 février 2018)