Les ombres migrantes
LES OMBRES MIGRANTES
Saison sèche et fraîche
30 avril sous la varangue
le trop plein des ombres
Un chat blanc sur le mur blanc, presque invisible. Porte-bonheur ? Antidote au chat noir, noir, noir dann fénoir ?
Le muguet, cependant. Oublier ces quelques brins étiques, forcés, pâles reflets de printemps mythique, celui de là-bas… le seul authentique — sur les étalages incongrus. Le buis de Chine va refleurir, blanc et parfumé, pour marquer la nouvelle saison plus claire, plus douce.
La nuit dernière d’avril, cet amas d’ombres sous la varangue, trop épaisses, posées là comme des bagages attendant la migration. Trop plein d’été empaqueté.
Les ombres se font migratrices pour nous consoler des oiseaux migrateurs que nous ne connaissons pas… ou alors, faut-il vous compter « migrants », vous les oiseaux qui ne revenez pas ?
Aucun oiseau pays n’a envie d’aller en quête de cieux plus cléments. Isi, néna lé o, néna lé ba ! (Ici, nous avons les Hauts, nous avons les Bas) Aucun oiseau des contrées froids n’arrive non plus jusqu’à l’île. Trop loin au sud, trop petite aussi pour accueillir confortablement de nouveaux résidents, même de passage. Merle Maurice, nou néna, lézard Madagascar néna aussi…
Seuls les pétrels pérégrinent entre montagne et océan. Finiront-ils par se lasser de cet anneau de lumières, épaissi chaque année, qui leur fait barrage, brouillant leur migration vers l’océan ?
Comme ces bichiques* qui ne remontent plus nos rivières. Comme les abeilles déboussolées par tant de pollutions… elles ont raté la saison ds baies roses venue trop tôt. Dérèglement climatique.
Tête en forme de cœur
l’insecte d’ombre agite
ses mandibules
Ce matin, un message demandant de l’aide pour le comptage des papangues* espèce menacée d’extinction, elle aussi.
Cela me ressemble bien de recenser les ombres !
(1er mai 2018)
*bichiques : alevins dont les réunionnais sont (étaient ?) friands.
*papangue : oiseau rapace endémique de l’île de la Réunion