Sauvez une grenouille
SAUVEZ UNE GRENOUILLE
Mur d’en face
la lumière dessine
des ombres
D’étranges animaux… Un peu plus loin, la silhouette pariétale du dodo gris. Des oiseaux, des lézards à deux têtes, qu’aucun prédateur ne chassera. Sinon un nuage ou un hypothétique coup de peinture fraîche.
Le monde change. L’ombroiseau hoche la tête, picore l’ombrherbe. Et tout est à nouveau là, inentamé.
Retour à l’immobilité. Comme ces automates mus par quelques tours de clé, jouets d’autrefois. Le ravissement de l’enfant quand ils s’animaient : sautillements, pirouettes, kaskou (galipettes)…
Je me rappelle aussi ces tonbé-levé, poupées assujetties à une calotte semi-sphérique et qu’on ne pouvait maintenir couchées. Poussah.
Les ombres sont maintenant descendues, cachées dans l’inextricable réseau des tiges : cherche et trouve d’autres formes, d’autres combinaisons. Vitrail de palmes qu’un coup de vent anime de fantômes furtifs, à peine feuilles, presque oiseaux.
Calligraphies enchevêtrées qui ne veulent plus rien dire, qui peuvent tout dire. Kanjis à déchiffrer, espère, crois, avance…
Fouillis de tiges
la grenouille du papyrus
ouvre ses yeux ronds
Hommage à Bashô. Les grands poètes sont là pour qu’on les imite. mais mon haïku fac-similé ne plaît sans doute ni à l’amphibien, ni au haïjin. Je viens de signer une pétition « Sauvons les coassements ! »
La bestiole disparaît. Plongée vers le bas. Pourvu que le chat ne la débusque pas, lui qui aime à se lover dans la terre sèche des pots.
Tenir la terre humide. Sauver une grenouille.
(30 septembre 2018)