Au jour coquelicot
AU JOUR COQUELICOT
Sa nouvelle adresse
sur son balcon j’imagine
un coquelicot
Noter une nouvelle adresse m’est bonheur. J’aime savoir situer les êtres chers à mon cœur, avoir une pensée pour un quelque part sur terre. J’aime savoir quels paysages regarder avec eux.
Celle qui est partie sans laisser d’adresse, — téléphone et courriel qui ne répondent plus — sinon une photo de coquelicot entre les pavés… La souffrance devinée. Communiquer une souffance est si difficile. Dans la tourmente, on se fait tout petit, racoquillé sur un être en lambeau, sans laisser échapper une plainte, sans laisser filtrer un mot, un sourire.
Partie sans laisser d’adresse au temps des flamboyants ou des coquelicots, myosotis à la dérive : forget-me-not.
Les coquelicots, justement, ne pousseront plus au bord des routes, au milieu des champs de blé. Nous les avons tués.
Le roman d’isabel Asùnsolo, La fleur de Chiyo, parle de ces liserons (frères/sœurs de coquelicots) mystérieusement traqués, devenus interdits… et qui survivent dans une cave abandonnée : arc-en-ciel prêt à réensemencer le monde.
Semons, semons, les coquelicots dans nos jardins, sur nos balcons, au pied des arbres des avenues…
Mur du cimetière
une petite fleur
s’est blottie
Rêver d’une marée rouge, écarlate, carmin, rubis, débordant sur le monde, marée d’amour et de bonté, rédemptrice d’humanité, s’élevant au-dessus de ces rumeurs d’intelligences artificielles d’un avenir annoncé.
D’une combinaison d’octets, pourra-t-on faire naître l’amour des coquelicots, la nostalgie de leur disparition ?
« As-tu une seule fois dans ta vie, donné des ordres au matin
assigné son poste à l’aurore ? »
(Livre de Job)
Le souhaiter
exactement comme il est
le matin
(6 octobre 2018)