Les mandalas de l'Avent (9)
Dimanche 9 décembre,
Fins contours suivis
caillou, animal, qui sait ?
mon doigt tâtonnant
aux sillons blancs d’un corail
ouvrir abyssal parcours
(tanka sans « e » paru dans La disparition, éditions du Tanka Francophone)
Je suis belle ô mortels, comme un rêve de pierre ! La pensée qui me vient lorsque mon regard se porte sur ces fragments de coraux qui parsèment mon jardin. Je les ai ramassés sur la plage, il y a longtemps, du temps où ils alimentaient les fours à chaux du côté de Saint-Leu.
Aujourd’hui, on a pris conscience que notre devoir est de protéger ces fragiles barrières de dentelles de pierre, poussées en plein océan.
Féerie des teintes pastel, poissons multicolores gambadant aux buissons de corail. Enchantement. La majesté d’une cathédrale où nul ne doit pénétrer… Regarder avec les yeux, finir avec le cœur comme à la treille de la voisine autrefois.
Les boules finement ciselées qui ont échoué au bord de mer, se sont métamorphosées en pierres de jardin : mutations végétalisées que la mousse enveloppe de verdure. Métissage de genres.
Figures de divinités, arbres-squelettes, cailloux nid-d’abeilles… ils veillent au milieu des plantes. Ils ont oublié qu’ils furent animaux, madrépores, essaims d’animalcules. Photos insolites quand je m’amuse à photographier tout ce qui vit en mon jardin.
Ah ! ce matin, j’ai raté la guêpe faisant son nid, juste à la limite de la vitre de la porte d’entrée. La guêpe… celle qui m’a piqué au bras l’autre jour, lorsque j’ai ouvert les volets. Elle avait choisi le « bon » emplacement pour accrocher ses hexagones. Et si j’ai la faiblesse de me croire maîtresse en ma maison, tant pis pour moi !
Ça ne fait rien, la guêpe, je suis contente de t’avoir vue, contente pour toutes ces fleurs que tu féconderas. Tiens ! Pour toi j’avais écrit ce poème :
À l’ombre berceau d’une emponne
les hexagones
aux hexagones
se juxtaposent et s’additionnent
mouvantes corolles de tulle jaune
Au sein des ruches à ciel ouvert
point de miel vert
aux dieux offerts
labeur austère des ouvrières
pour de subtiles pouponnières
Chassées aux fumées du pétrole
les guêpes folles
au loin s’envolent
abandonnant leurs alvéoles
à la gourmandise créole.*
Se fanent les fleurs les plus belles
les nids-ombelles
sans un bruit d’ailes
se vident de leurs graines de miel
mais où se cachent les demoiselles ?
*Les réunionnais sont en effet friands des larves de guêpe consommées frites et en rougail. Et à la saison, se livrent à la chasse aux nids dont ils chassent les occupants avec des chiffons enfumés.
(Dentelle de pierre, Les mandalas de l’Avent, 9)