Ah! Les feuilles...
AH ! LES FEUILLES…
Le clocheton de la feuille de papyrus s’est défait dans la nuit. Et les folioles ne savent plus : s’étaler en ombrelle ou former un cône ouvert vers le plafond ?
Les feuilles aînées, celles qui se sont déployées depuis longtemps, mandala presque plat, prêt à accueillir les inflorescences en leur centre, expliqueront à la nouvelle comment faire, comment se comporter en dignes feuilles de cyperus (c’est le nom de cette espèce de papyrus), comme elles ont dû guider la feuille bulbe dans sa poussée libératrice. Mais cela, je ne le saurai pas.
C’est toujours en mon absence que se déroulent les scènes les plus formidables. Pendant que je dors, éclosent les fleurs et s’ouvrent les bourgeons. Et même si j’avais été présente… je n’aurais pu que constater l’avant et l’après, sans différencier toutes ces micro étapes intermédiaires.
À côté, une des feuilles du faux pistachier (Bombacopsis glabra) en pot, a décidé de jaunir, d’apporter sa touche personnelle à mon jardin de table, en plein cœur de l’été. Et là, je me demande si mon appareil programmé sur monochrome saura différencier le jaune de la rebelle du vert des autres feuilles. Tout est question de lumière, de contraste, ceux qu’auront captés mes yeux ; ceux du sens et puis ceux du souvenir.
Fermant les yeux
feuilles vertes, feuille jaune
toujours côte-à-côte
Pour un instant, quelques heures, quelques jours ; ce n’est pas moi qui les ai programmées. Tout m’échappe. Et le soulagement de n’être pas responsable… la pa moin l’otèr. Me sentir plus légère. Je ne joue aucun rôle dans la pièce.
Aucun ? Cela n’est pas certain. Je suis gardienne d’Éden, peut-être. Ah ! J’ai failli à ma mission, alors !
Photographier l’herbe
j’aurais pu me contenter
de l’arracher
Mes gestes de poète, cependant… ils donnent autant d’importance à la graminée devant le portail qu’aux étoiles. Mais je m’égare. Comme si j’avais la capacité de photographier les étoiles !
(16 janvier 2019)