L'ombre qui s'efface
L’OMBRE QUI S’EFFACE
Dann gran kèr solèy
sacs pesants au bout des bras
l’oiseau voletant
Les courses du vendredi. En revenant du supermarché, je remonte la rue où j’ai garé ma voiture. Ah ! Je vais jalonner ma route de haltes sous les grands arbres qui…
Ras du trottoir
aux troncs sectionnés
liseré de sève
Ils les ont coupés, tous coupés, sans espoir de repousse. Les jardinets alentour sont encore blancs de sciure. Ne demeure que l’ombre chétive des palmiers multipliants. mais peut-être sont-ils condamnés, eux aussi : un vaste projet de démolitions plane sur le quartier. Le charcutier a fermé dé-fi-ni-ti-ve-ment, son immeuble va être rasé ; on en reconstruira d’autres plus hauts, plus massifs, sans un centimètre de perdu pour le béton.
Rameau desséché
jamais plus m’arrêter
sous leur ombrage
Quand il était encore temps, j’aurais dû dire aux arbres qu’ils étaient des amis, qu’ils m’étaient providence des vendredis si chauds, que j’aurais fini par décoder les calligraphies du lierre qui tapissait leurs troncs.
Tous abattus. Sans préavis. Et je n’en avais pas eu la prescience. Ou alors trop de signes avant-coureurs de défaites écologiques se sont télescopés. Hier encore j’ai signé une pétition pour préserver les orangs-outangs.
Les massacreurs des rues, eux, ne préviennent pas. Est-ce à la demande des riverains qui préfèrent avoir vue pleine sur les voitures garées là ? Est-ce l’ordre d’un fonctionnaire assis dans la fraîcheur de son bureau climatisé ?
Signature
d’un trait négligent
l’arbre abattu
(18 janvier 2019)