Son de cloche
SON DE CLOCHE
Belles de nuit
refermées – leur parfum
laissé à la lune
Un son de cloche, un peu étouffé par la chaleur qui monte déjà. Une demie de temps suspendu. À ma main qui tient la plume, à ma pensée encore engourdie de l’emprise du sommeil. Ai-je rêvé cette nuit ?
Écrire pour marquer le temps, le faire s’écouler, ru, ruisseau, fleuve de mots. Lac. Un point et tout s’arrête. Le temps de réfléchir à ce qui va suivre. Peut-être à rien, ma fontaine est tarie. Mais il y a le goutte-à-goutte du robinet et ces lignes de Danièle Corre dans Routes que rien n’efface.
Une petite phrase claire
a pris le chemin des sources
Nous voilà revenus à l’origine de la poésie.
À la halte du sens
elle s’interroge
puis reprend son mystère
N’est-ce pas la définition même du haïku ? Issu d’un ressenti, il butine la nature des choses et s’interrompt sur le mystère d’un non dit, laissant les écluses ouvertes à l’imaginaire… de l’auteur, du lecteur.
Ainsi font ces mots de Danièle qui m’inspirent aujourd’hui. Et je bois à cette source pour commencer ma page et dérouler à ma guise le cours d’un torrent qui dévale et ralentit, contournant les îlots-mots d’une écume bondissante. Caillou de souvenirs que l’on recrée, que l’on explore, que l’on décrit ; puis qu’on laisse derrière soi, indifférent aux flots qui poursuivent leur route vers l’ailleurs, routes que rien n’efface. Méandres à l’infini.
Au tournant
reconnaîtrons-nous
le bout de la nuit ?
(21 janvier 2019)