Cahier de banalités
CAHIER DE BANALITÉS
Fin de l’été
la mouche jaune butine
ma peau tannée
Quand je vois ce ciel bleu et quand je sens déjà l’ardeur du soleil de 7 h, je me dis que je ne vais écrire que des banalités.
Et pourquoi pas ? Me faire un CAHIER DE BANALITÉS : un nom bien approprié pour un journal.
Qu’aurai-je d’autre à noter que ce qui est banal au sens coutumier du terme comme ces bruits de moteurs, d’engins, d’appareils ménagers qui surgissent de toutes parts — vendredi est jour ouvré —, rompant la mélodie d’un bulbul ou comme ce chat qui miaule et réclame la pitance que je ne lui ai pas promise… la pitance tacitement promise, ne jouons pas les hypocrites.
Pour le reste, respiration, cœur qui bat, les mille et un gestes du quotidien.
Mais peut-on vraiment qualifier de banals, l’aspiration de l’air vers mes poumons ou encore les battements de mon cœur, toute cette alchimie des cellules que je perçois à travers cette petite douleur dans la nuque, cette démangeaison, ces rides frisottant mon bras ?
La vie est magie qui emporte, qui transforme, instant après instant de poussière à poussière.
Rien de banal non plus dans cette main qui se tend, ces doigts qui agrippent l’anse de la tasse et la gorgée de café arrivant à mes lèvres, gagnant mon palais, mon œsophage…
Au-delà, le mystère de la digestion, de l’assimilation. Que retiendront mon sang, mes reins, du plaisir de la dégustation ?
Pour un instant
être
goutte de café
Mais banalité signifie aussi ce droit des seigneurs contraignant les roturiers à recourir au pressoir, au four, au moulin seigneurial et empêchant ceux-ci de posséder leur propre équipement.
Ne suis-je pas soumise par banalité à ce corps que je n’ai pas créé ?
(22 mars 2019)