Femmes sous la lune
FEMMES SOUS LA LUNE
Femmes se promenant
dans les rues d’Edo
sous la lune
Le titre de ce tableau de Kunisada est aussi évocateur qu’un haïku. Il est précisé « jolies femmes »… Toutes les femmes du monde sont belles.
La dernière image qui me restera en quittant l’expo.
Un groupe de femmes (jolies, donc) déambulent sur une place d’Edo. Elles arborent de riches kimonos colorés, ocres et bleus, essentiellement.
Et bien sûr, on ne voit qu’elle. La lune. Pleine. Elle donne tout son sel à la scène. Elle est là, complice de toutes ces promeneuses aussi mystérieuse l’une que les autres.
Pourquoi toutes ces femmes dans la rue, la nuit ? Elles avancent comme si la rue était à elles, le monde était à elles. Vers quel but convergent-elles ?
J’aime cette errance nocturne flottant entre réalité et onirisme. Sans doute sommes-nous en été et les dames confinées tout le jour sont-elles en quête d’un peu de fraîcheur.
À la recherche d’un peu de liberté, aussi. Entre femmes.
On remarque cependant un homme, petit, sans grande prestance, égaré au sein d’un gynécée : un accompagnateur, duègne au masculin, le mécène d’un groupe de figurantes posant pour le célèbre peintre. Ou encore un acteur de kabuki, observant in situ les attitudes féminines… qu’il s’apprête à reproduire sur scène. Dans le théâtre japonais, le masculin l’emporte sur le féminin, l’efface même.
Monde dépaysant, nous entraînant dans le sillage du temps qui passe. Seule la lune demeure.
J’ai toujours rêvé de coincer la lune, belle ronde ou fin croissant.
Dans la cage d’un joli rêve d’enfant ou bien dans le maillage serré d’un champ d’étoiles, au fond d’une mare ou d’un seau… dans le cadre virtuel d’une photo.
Mais le plus simple n’est-il pas de la prendre au piège entre les trois lignes d’un haïku ?
Lune vagabonde –
cette nuit sous ma fenêtre
elle est revenue
(14 mars 2019)