L'arbre et la forêt

Publié le par Monique MERABET

L'arbre et la forêt

L’ARBRE ET LA FORÊT

 

 

 

Mille étoiles roses

ainsi fleurit la taline

fin d’après-midi

 

Parfois les mots aussi i bèk su lo tar… les mots qui me viennent et s’envolent, comme les feuilles aux arbres.

L’écriture est-elle entièrement individuelle ? Se rattache-t-elle à une communauté subconsciente ? Ces mots que trace ma main, ne viennent-ils que de moi ?

Question à poser aux arbres. Ils vivent plus longtemps que nous et ils ont le temps d’accumuler les sagesses dans leurs cercles de vie.

L’arbre, on le perçoit d’abord comme individu. On admire le chêne, le séquoia, on mesure leur circonférence, on leur colle une étiquette « record » dont ils n’ont que faire ; on admire la prestance de l’essence montée si haut, si droit ou au contraire leurs ramifications sinueuses, pistes pour l’imaginaire ; on apprécie le tronc élancé, on évalue la belle bille qu’il donnera, pour du beau bois de construction, d’ébénisterie ; on s’évertue à donner une signification aux écailles, aux scarifications, aux taches qui les couvre, ou à y deviner tout un peuple fantastique nous liant aux enchantements du monde ancien, aux fondements de l’écriture.

 

Mon vieux manguier

tronc couvert de runes

partager son vécu

 

Auprès de mon arbre, à son ombre comme s’il était unique de son espèce. Alors que son destin naturel est de vivre en forêt, de s’entraider, de contribuer chacun au bien de tous… un peu ce que l’on aurait espéré de la grégarité humaine.

C’est ce que disait un sylviculteur, conseillant de laisser faire la nature : il n’est pas nécessaire de planter une forêt, le mieux est de la laisser se développer naturellement, plusieurs espèces côte-à-côte, c’est encore mieux. Le rôle de l’homme c’est d’enlever quelques branches, modeler légèrement le profil des arbres afin de pouvoir l’utiliser au mieux (vendre du bois, c’est son gagne-pain).

Et si j’étais un arbre ? Serai-je noble cèdre du Liban ou humble ricin, kikayon pour l’édification de Jonas, poussé et desséché en une nuit ?

Des arbres de mon jardin, lequel me serait arbre-totem ? Un arbrisseau suffirait : je ne suis pas bien grande. Ou une simple herbe.

Comme pour la taline, au bout de la journée, mon cahier se sera couvert de mots, sifflés par les merles du manguier, soufflés par ces feuilles qui dansent… Auront-ils gardé sève et verdeur en se répandant sur le papier ?

 

(3 mars 2019)

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