Kan la lune lé pa la
KAN LA LUNE LÉ PA LA
Les tribulations d’une belle-de-lune quand la lune décroît…
Dernier jour de mars
lampion rose sous la feuille
épiphytum oxypetalum
Cette promesse inattendue pendant à la feuille de cactée, un bulbe rose, retenu par un filament rose. Cette nuit peut-être, dernière du mois, un festival de pétales et de parfums. La lune est à son dernier quartier, cependant.
La belle que l’on n’attendait pas, grâce d’une arrière-saison. Chacun de nos jours amène sa surprise, son étonnement. Une part d’Éden qu’il suffit de cueillir. De chanter.
L’existence doit sembler bien triste à celui qui refuse la beauté d’un instant, un signe nous reliant à la communauté des vivants, présents ou disparus.
Au-dessus du grillage
surprendre un liseron
se hissant
Tentative de se vriller autour d’un rameau d’avocatier. Toujours plus haut, profitant d’un courant ascendant — fais comme l’oiseau ! — d’une brise qui le projette plus près du but à atteindre. Elle y arrivera. C’est persévérant, une liane.
Cette nuit, pour contempler la belle de lune, je chausserai mes nouvelles lunettes ; je lui raconterai la dernière pleine lune…
Nuit sans lune
qui guidera ton éclosion
reine de la nuit ?
Et ni le lendemain, ni le surlendemain, la fleur de lune ne s’est épanouie…
Qui a dit à la fleur : c’est lune descendante, tu n’as pas le pouvoir de déplier ta corolle ? La même voix qui fait refleurir buis de Chine ou orchidée tit pigeon aux moindres variations barométriques.
un matin puis l’autre
là, sur le balcon pendouille
poisson hors de l’eau
Pas un poisson d’avril, cependant.
Las ! Voyez comme en peu d’espace
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! Las, sa beauté laissé choir ! (Pierre de Ronsard)
(1er avril 2019)