Lettres de juillet (6)

Publié le par Monique MERABET

Lettres de juillet (6)

CARDER LA LAINE

 

 

L’eau pour le café

musaraigne qui se faufile

juste la queue

 

Nuages, où m’emmènerez-vous ce matin ? Vous me semblez d’humeurs éclectiques, mêlant trouées bleues, bandes jaunâtres, crêtes éblouissantes et surtout, camaïeu de gris, du genre gris souris qui ne sourit pas car elle a vu le chat.

Serez-vous de pluie ou simples bouffonneries, sarouels d’ange claquant au vent d’altitude, amusement pour un ciel qui s’ennuie de trop de bleu ? Vous êtes comme moi, dedans/dehors, faits et à faire…

J’ai entendu une grosse averse cette nuit : « à quelle heure ? », demande-t-il comme si mon horloge biologique qui règle éveil et endormissement était plus précise que des prévisions météorologiques. Ou que le plan de formation des nuages.

Les voilà devenus floconneux comme laine à carder. Sensation au bout des doigts. Carder la laine d’un vieux matelas en creux et bosses : une occupation de mes lointaines vacances d’enfant. Le matelas de Grand-mère, soigneusement décousu, était posé sur la table et nous en extirpions bouffée après bouffée, la bourre qui faisait naître des nébuleuses de poussières.

Il s’agissait de vraie laine brute, arrachée aux moutons de la cour, débarrassée de son suint en longues étapes lavage/séchage que je n’ai pas vues s’accomplir. Seules mes mains se souviennent des nœuds à défaire, des brins à séparer.

Nous aimions aider les grands (gramoun) dans leurs tâches ménagères du temps longtemps : l’encaustique et la brosse coco à passer sur le béton rougi d’une véranda, la cire (la vraie, obtenue après mastication des gobes de miel que Tonton retirait des ruches) pour les meubles, le balai de brandes pour mettre la propté sur la terre battue de la cuisine au bois ou encore la vaisselle dégraissée au savon de Marseille et aux feuilles râpeuses de bringellier… tout nous était fête.

Tout était naturel, tout attirait notre curiosité, l’envie de faire comme les adultes, d’y trouver notre place. Je m’en souviens comme d’une initiation essentielle même si, aujourd’hui, je fuis ces fastidieuses opérations de nettoyage…

Quel parent d’aujourd’hui serait assez inconscient pour inviter l’enfant à utiliser ces produits couturés de mises en garde : danger, ouvrez les fenêtres, en cas d’ingestion appeler le centre anti poison, tenir hors de portée des enfants… Quant aux appareils électriques — Oh, risque d’électrocution ! — on n’a même plus besoin d’y toucher, à ces robots qui se guident aux obstacles et aspirent dans les coins. Et je ne veux pas savoir, non, vraiment pas, ce qu’il y a à l’intérieur d’un matelas.

Brrr ! Il fait frais sur ma véranda. Ce n’est pas aujourd’hui que je ferai le ménage à fond. Sans doute pas demain non plus. Nuages vous revenez quand vous voulez !

 

(22 juillet 2019)

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