Petites épiphanies
Petites Épiphanies
Les Illuminés
Le recueil de nouvelles de Monique Leroux-Serres vient de sortir aux Éditions Le Petit Pavé.
« L’auteure des Petites Épiphanies essaie d’imaginer ce que serait dans le monde d’aujourd’hui une annonciation, une rencontre d’Emmaüs, une lutte avec l’ange au gué d’une nouvelle vie… » dit la quatrième de couverture.
Et tant d’autres moments de grâce nous parviennent, inspirés par les récits bibliques que nous connaissons tous, que nous croyons bien connaître…
Petites Épiphanies… Grands émerveillements pour le lecteur.
Tout d’abord ce va-et-vient constant entre l’histoire sacrée que l’on reconnaît sous la transposition dans notre contemporanéité et l’atmosphère éthérée d’une toile de maître dans laquelle elle baigne et dans laquelle se fond l’écriture de l’auteur, capte notre intérêt, nous garde constamment éveillés. Et ces grandes traversées de lumière, ne constituent-elles pas un fil rouge pour nous guider et éclairer chaque texte. Je citerai celles du « porteur d’image », du « foudroyé », de cette herbe qui s’illumine pour la transfigurée. Les Illuminés… n’est-ce pas là le sous-titre de l’ouvrage ?
Monique Leroux-serres sait marier sa sensibilité d’écrivaine, de poète, à celles d’autres artistes et à celle du lecteur, qui peut suivre ses propres réminiscences, ses propres intuitions.
Même si elle dénote une belle connaissance aussi bien des textes bibliques que de leurs représentations artistiques, l’approche de Monique Leroux-Serres se fait de l’intérieur, plongeant au cœur de ce qui est mythe ou fondement religieux, de notre culture commune, de nos valeurs humanitaires.
Le jaillissement du fantastique, du sacré dans ces récits joyeux et toniques, ne mène pas vers l’abstraction ou le rêve. Nous côtoyons sans cesse les petits riens du quotidien, la réalité d’un vrai village, la banalité des pensées de tous les moments : scènes de la vie ordinaire, marquée par la solitude, le deuil, l’absence, la maladie et aussi les joies d’une naissance, d’un sauvetage, d’une œuvre aboutie…
Si bien que le lecteur se prend souvent à se demander si cet ange descendu d’une fresque ne pourrait pas nous apparaître à nous aussi, si nous n’avons pas croisé son chemin déjà… et la crainte de l’avoir raté.
Comme la lumière toujours présente ramène espoir et sérénité, l’incursion du sacré permet de retourner les situations, de transcender les agissements humains : ainsi cette merveilleuse multiplication des mains qui s’ouvrent afin de nourrir les affamés, cette Marie-Madeleine épargnée par les sarcasmes et les obscénités, l’attention des tourmenteurs potentiels détournée par un détail du texte évangélique. Jésus savait-il écrire ?
Ai-je cité là mes nouvelles préférées, répondant ainsi à Monique qui se demandait : « Lequel sera ton préféré ? »
Mon préféré n’est-il pas cette « création » que répète un groupe de choristes, texte sous-tendu par la musique de Haydn qui remplit le silence de la lecture? Des lectures… L’idée même de faire un choix est quelque peu incongrue, tant chaque texte est « habité » par la grâce, il nous est enchantement si bien qu’on ne peut résister à son goût de « revenez-y » lorsqu’on arrive à la dernière ligne.
Lire et relire, donc. Accueillir ce qui se révèlera chaque fois, le même et différent… Merci, Monique pour ce trésor qui jamais ne s’épuise, pour la magie de cette écriture au petit point, toute en délicatesse et en harmonie.
(Monique Merabet, 8 aout 2019)