Déferlement

Publié le par Monique MERABET

Déferlement

DÉFERLEMENT

 

 

Ma lettre finie

la pluie en déferlement

café qui déborde

 

Ma lettre commencée un jour de pluie et un grain arrive à la fin comme une salve, point final au travail accompli.

 

Salut au public

redevenus immobiles

les danseurs en blanc

 

La photo reçue par mail. Tout ce que l’on a le droit de prendre en image. Noir et blanc.

« La mer turquoise » mise en musique dans un tanka-tweet. Couleurs virtuelles. Ici, j’imagine.

La mer grise se frangeant d’une auréole marron. Terre dévalant avec les ravines, la peau de l’île arrachée…

Le peintre là-haut… contemplera l’océan, ses pinceaux ressuyés. Un jour, tout reprendra ses couleurs d’antan : bleu marine, violet, vert au déferlement. Tout dépendra du ciel.

Une prochaine fois, il essaiera le turquoise. Il donnera à l’écume la couleur aile de libellule. Qui n’existe pas dit un haïku-tweet.

Paradoxe. Peut-on revêtir une teinte inexistante, invisible. L’invisibilité qui ne dure que l’instant d’une pensée puisque la teinte prendra vie et lumière lorsque la libellule s’en sera peinte.

Comme une joie improbable qui nous illumine soudain dans le gris d’un hiver, d’un brouillard : un brin d’herbe coincé entre deux dalles, ce dessin sur feuille de bananier ou de dracena, l’aile de l’oiseau qui s’éloigne et reviendra.

Cette joie que l’on ne savait pas, là, à nous attendre. Toute la nuit. Jusqu’à ce que nos regards vagabonds se ortent au bon endroit, dans ce creux de lumière ou d’ombre.

J’ai nettoyé ma cafetière. J’aime la pluie et ses paysages de brume au lent déferlement : les arbres ne sont plus que fantômes statiques, stoïques dans l’engloutissement vers l’infini. Et mon âme les suit.

 

ARBRES DANS LA BRUME

 

Lorsque la brume chiffonne

son lourd manteau de laine

sur les épaules de la forêt

les grands arbres frissonnent

désorientés.

Terre et ciel se confondent,

ils ne savent plus vers quel monde

se tourner.

 

Il suffit qu’un oiseau paraisse

et, d’un envol gracieux

troue la cape épaisse

pour leur montrer la route des cieux.

(Monique Merabet, L’arbre chanson, éditions Surya)

(22 janvier 2020)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article