Les bleus et les blues
LES BLEUS ET LES BLUES
Opacité du ciel
matin de pluie continue
attendre le soleil
pattes accrochées aux fils
les oiseaux chantent le blues
La pluie toute la nuit. Depuis le temps qu’elle attendait de pouvoir faire entendre sa voix, depuis le temps que ses grains s’impatientaient, serrés sous le couvercle étouffant de nuages, elle ne va pas s’arrêter comme ça… trois p’tites gouttes et puis s’en vont.
Elle s’est forgée une herse entre jardin et moi ; pas près d’être relevée, que je puisse me faufiler sans subir le lancer de confettis humides et froids des belles de nuit, du bégonia et autre aubépine au passage.
Un rideau, c’est peut-être ce que voient les oiseaux tournés vers l’est d’où viendra le salut. Peut-être aussi ne sont-ils que notes mouvantes d’une hymne perpétuelle — l’un s’envole, un autre prend sa place — au Soleil.
Ah ! Seraient-ils comme nous, adopteraient-ils les inconstantes palinodies humaines ? Aspirer au soleil quand il pleut (Après la pluie vient le beau temps) et réclamer la pluie lorsque le soleil dessèche tout (Il a eu plu, il pleuvra encore, disait ma voisine provençale)
La lune en a perdu la face et ses quartiers. Qui sait si elle est pleine, croissante, décroissante, nouvelle… ? Et cela fait dérailler la pauvre fleur de cactée (épiphyllum oxypetalum) pendant au bout de la feuille-tige, mi ouverte, mi refermée ; alourdie d’eau, elle ne s’épanouira pas. Attendre février et la prochaine lunaison.
Les oiseaux croient au soleil, même lorsqu’il leur est invisible : le soleil a rendez-vous avec la lune et sans doute la rencontre-t-il enfin les jours de nuages. Pour vivre heureux (et amoureux) restons cachés. C’est écrit dans le ciel. Les oiseaux savent lire les nuages.
Moi je guette la lueur qui parfois transperce les nues. En plein sur la véranda.
Oser le bleu
couronne de saint-paulias
j’aime la pluie
(21 janvier 2020)