Petit journal de confinement (trois en un)

Publié le par Monique MERABET

Petit journal de confinement (trois en un)

DÉNIGRER AUTRUI ?

 

 

 

Dénigrer autrui ?

je me lave le cœur

en écossant des pois                           (Hosaï)

 

Jour 5 du confinement. Prendre la résolution de ne pas surcharger mon journal de conseils aux pauvres confinés, de récriminations rapportées, ressassées, de délations — mon voisin se balade, j’entends son portail, sa voiture… mon voisin a reçu des visites… — de jugements hâtifs, de ils auraient pu, ils auraient dû, etc.

Ne pas juger, condamner ceux qui vivent ces heures pénibles comme ils peuvent, eux qui sont prisonniers de murs de béton ; ne pas tomber dans les propos moralisateurs. Quelques chamailleries de plus n’apporteront rien de positif, n’allègeront pas la morosité, la crainte, le chagrin. Tristes heures.

 

 Mon ange gardien me susurre :

Occupe-toi de tes propres nuages, ceux qui folâtrent ce matin, angelots joufflus au-dessus de ta tête.

Cultive le bleu qui transparaît là… là… là… Lalala ? Laboure ton coin de ciel pour qu’il réapparaisse.

 

Liserons

à l’assaut de la façade

ma réserve d’azur

 

Mon encre aussi est réserve de bleu : bleu sérénité, tel est son nom.

Respecter les consignes du confinement ne pèse guère dans mon existence de retraitée, de privilégiée qui possède un jardin. Et puis écrire se fait toujours dans la solitude, l’isolement consenti.

 

Et puis le printemps des arbres semant leurs fleurs sur mon écran. C’est juste virtuel mais qu’importe ! Il reste encore deux mangues au vieux manguier. L’été finissant offre des nuits plus fraîches.

Tant qu’on a la santé ! Et la paix du cœur.

 

(Petit journal de confinement 5, 21 mars 2020)

 

 

 

 

 

NE PAS OUBLIER

 

 

 

Mon frigo en panne

café coulé avant-hier

au goût confiné

 

Mais la crise ne devrait pas nous faire oublier la poésie. Le Printemps des Poètes est déjà sur sa fin, dédié au courage, thème ô combien approprié !

 

Les dix mots de la Francophonie que j’utilise chaque année dans des textes divers : hymne renouvelée à la Langue Française.

Cette année, au fil de l’eau : aquarelle – à vau l’eau – engloutir – fluide – mangrove – oasis – ondée – plouf – ruisseler – spitant

 

M’inspirer des images, des musiques, des lectures, pour un essai de dix tankas.

Faire une aquarelle du monde dans ma tête, avec les mots. Laisser l’encre bleue ou violette ruisseler au bec de mon stylo. Décrire un cosmos spitant, spirales aux couleurs d’espérance, de résilience…

Ne pas se laisser engloutir par la mangrove des pensées frelatées de peurs, de rancœurs, d’angoisses incontrôlées, colportées, ressassées.

Atteindre une oasis de sérénité, pensées positives ou zénitude, de quoi se rafraîchir comme après une ondée.

Retrouver les notes fluides que susurre un archet,  que déverse une flûte, que rythment les doigts sur le piano…

Éviter de ruminer, de maugréer ce monde à vau-l’eau, déboussolé ; ne pas écouter la sinistre comptine du mal qui court, virus aléatoire s’arrêtant… Plouf ! c’est à toi d’y passer.

 

(Petit journal de confinement 6, 22 mars 2020)

 

 

ET LE MIRACLE…

 

 

 

« Ce serait terriblement triste s’il ne sortait pas de cette mega-crise une pensée politique indiquant la nouvelle voie ? » (Edgar Morin 22 mars 2020 sur Twitter)

 

De quoi guider nos réflexions sur une sortie de confinement. Aurons-nous mûri, appris quelque chose ?

Au moins espéré…

Ne pas s’inquiéter surtout. Nous sommes si peu de chose, « brume du matin, rosée d’aurore qui s’en va… », comme je le lis sur ce texte du prophète Osée. Notre seule certitude : nous sommes tous mortels, un jour ou l’autre, d’une façon ou d’une autre.

Notre destin est celui d’une rose, « l’espace d’un matin », le temps qu’un nuage se métamorphose.

 

Nuages

 comme vous êtes fugaces

et mobiles

 

Les voilà couverte uniforme de brume, comme au ciel des Hauts, se couvrant en fin de matinée. Les averses d’après-midi, les orages.

Mon âme survole le temps des vacances d’il y a soixante ans… vole vers cette année 1919. Il y a cent ans…

L’épidémie de « grippe espagnole » touchant l’île de la Réunion avec l’arrivée du bateau Le Madona. À son bord, les rescapés de la grande guerre… ils seront mis en quarantaine. C’était en avril 1919.

Sur le sol réunionnais dépourvu d’hôpitaux, de médicaments, la grippe décimera la population : « On n’aura jamais de vrai bilan des six semaines d’épidémie. […] il n’y avait plus personne pour tenir les comptes. » (source : mi-aime-a-ou.com/histoire de la Réunion/ )

Et le miracle d’un mini-cyclone, le 11 mai 1919, qui balaiera les miasmes mortifères, lavant le ciel de ses impuretés.

 

(Petit journal de confinement 7, 23 mars 2020)

 

PS : mon réfrigérateur s’est remis en marche.

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