Charmille
CHARMILLE
À commencer
sans chercher à savoir
le mois d’avril
Ne pas se presser, surtout. Nous avons trente jours pour le parcourir à petits pas… pas à plus d’un kilomètre de la maison, n’est-ce pas ?
Je peux donc m’arrêter un moment sur le tableau de Pierre Bonnard : la charmille.
Rien que ce nom de « charmilles ! Porteur d’après-midi d’été à se réfugier là où l’ombre se pose. Les personnages sont fondus dans le fouillis des feuillages : la même lumière confondant éclis de limbes ou de tissus.
Je ne les distingue pas bien : êtres (deux femmes ?) oubliés là et que l’œil ne découvre qu’après avoir embrassé toutes les nuances de vert, touche après touche comme tout ce qui vibre et palpite au sein de mon jardin de feuilles et d’herbes hautes. Ce que l’on ne voit pas si on ne prend pas le temps de contempler.
Charmille, fourmille, ramille… jusqu’aux moindres brindilles. Éternité d’un vert confinement ; non, la femme ne quittera pas son banc, sa chaise, absorbée dans sa lecture, sa broderie, ou son libre vagabondage des pensées. Peut-être peint-elle une aquarelle de l’intérieur ? L’homme qui peint la femme croquant l’autre personnage crayonnant… fractale, boucle dans le temps suspendu.
Vavangaj dirait-on en créole, vavangaj pour mon âme réunionnaise qui n’a jamais éprouvé la réalité de ces charmilles exotiques.
Charmille : allée ou forte haie taillée en topiaire constituée de charmes (ce que dit wikipédia) ; feuillage dentelé marcescent, qui persiste en hiver pour s’éparpiller d’un seul coup au printemps. Le rendez-vous des mésanges.
Scènes d’ailleurs, d’autres saisons. Le premier jour d’avril m’enveloppe déjà d’un cocon de chaleur. Jours de frais, d’automne tropical, nous viendrez-vous bientôt ?
Arbres nus d’avril
quand viendra-t-il son premier
printemps à Québec ?
(Petit journal de confinement 16, 1er avril 2020)