Coups de blues
COUP DE BLUES
En confinement
partager avec le monde
petits coups de blues
Cette « chose » qui rôde, qui nous a déjà atteints. Un peu comme une maladie universelle, sans symptômes déclarés mais qui a colonisé nos cellules. Qui n’attend qu’une faille immunitaire, une rupture d’isolement pour se proclamer concrètement.
Expérience terrible que certains (psychologues ou religieux) veulent faire passer pour une opportunité de vivre mieux… après. Quelque chose de bienveillant qui nous fera mûrir, qui nous mènera vers une renaissance — mais pas une résurrection ! — la conquête d’une nouvelle terre.
Pour peu qu’on en sorte vivants ! Car, bon ! la mort soudain devient palpable. Même si je sais, je sais : je suis mortelle et j’ai eu soixante et onze ans.
Gérer le quotidien est supportable malgré les courses à la merci de l’imprévisible, le frigo qui risque de se mettre définitivement en panne, les à-coups de la connexion internet, le jardin qui apparaît bien trop petit quand il s’agit de s’y aérer et bien trop grand à entretenir…
Du temps d’avant, « en somme nous regrettons tout, cela prouve bien que ce fut beau. » (Eugène Ionesco)
Grâce soit rendue aux fleurs du printemps et à tous ces sourires offerts même si on les sent souvent proches de nos larmes.
Happy news : ces koalas sauvés des flammes et qui reviennent aux eucalyptus.
Faire de l’interruption un nouveau chemin,
faire de la chute, un pas de danse,
faire de la peur, un escalier,
du rêve, un pont,
de la recherche…
une rencontre.
(Fernando Pessoa)
(Petit journal de confinement 10, 26 mars 2020)
SPLEENS EN PATCHWORK
Pluie fine
sur Twitter gymnopédie
merci au pianiste
fascination pour les mains
égrenant les notes
Me voilà navigant en nostalgie, redécouvrant le spleen des romantiques :
Quelle est cette langueur
qui pénètre mon cœur ?
Petite tournée de grands poètes : Verlaine, Baudelaire…
La pluie fine de ce début de matinée accentue l’effet désenchanté, désenchanteur de ce onzième jour de confinement.
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville…
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits
Pour un cœur qui s’ennuie
Ô le chant de la pluie
Légèreté de ces semi-alexandrins de Verlaine : la peine adoucie par la musique de cette farine de pluie, tôt ce matin.
les alexandrins de Baudelaire, eux, sont bien plus pesants et accompagneront la moiteur et la lourdeur de nos après-midis d’été.
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis…
Oh ! N’allons pas jusqu’à la strophe finale !
Et de longs corbillards, sans tambours ni musique
Défilent lentement dans mon âme…
Arrêtons là. Le quotidien est déjà si dur à vivre
Trois jeunes enfants
dans un appartement
Allo… Maman travaille
Enchaîner sur le printemps
violon solo dans l’herbe
(Petit journal de confinement 11, 27 mars 2020)