Super lune et margoz

Publié le par Monique MERABET

Super lune et margoz

SUPER LUNE ET MARGOZ

 

 

 

La lune de la nuit dernière

Super brillante, elle a passé

Le souvenir de sa lumière

Suffira-t-il à m’inspirer ?

 

L’inspiration souffle comme elle veut. Je pensais haïku ou tanka et voilà que m’arrive ce pantoun !

La lune rose… m’avait-on promis. Sur mes photos, la teinte n’a pas pris. La brillance, si ! Et, sur l’autre cliché, l’astre échevelé de nuages. Vus de ma véranda, mardi 7 avril, 20h 30.

Deux photos pour nourrir mon journal que je ne veux plus « de confinement ». Les jours n’ont pas besoin d’étiquettes. Même s’il s’agit d’un jour de creux, où le cerveau marasme

Marasme : du verbe marasmer, néologisme à ajouter à ma collection d’écrivain jamais rassasié de ce que m’apportent les dictionnaires et même wikipédia.

Souvent pour créer (et enrichir la langue française, si, si !) d’un mot nouveau, je m’appuie sur les expressions si vivantes de la langue créole. Ainsi, j’aurais pu dire : « le cerveau margoze ». Mais à y réfléchir, ce n’est pas pareil. Margozer, c’est ruminer, se faire du mouron en sachant pourquoi. Marasmer, c’est ne pas se sentir alerte, tout en ne cernant pas la cause de son désarroi.

Une combinaison des deux mots, peut-être ? Marasgozer… voire margozasmer… Hum ! Là ce serait un peu (carrément ?) ampoulé.

Pour information la margoz est le nom donné à un petit fruit oblong, à la peau verruqueuse comme celle du crocodile. On le consomme vert, en rougail. Sa particularité est de distiller ce petit goût amer que l’on refuse de manger, enfant, et que l’on finit par rechercher lorsque, loin de l’île natale, la nostalgie vous prend de ces saveurs si réunionnaises.

 

Le vert de la margoz (extrait de L’exotisme des coquelicots, texte inédit)

 

Nous sommes trois au cercle haïku… trois femmes : deux  zoreyoréunionnaises et moi. L’une écrit « wasabi tout vert ».

C’est quoi, wasabi, je demande.

Coups d’œil amusés.

Comment, tu ne connais pas le wasabi, cette sauce universellement connue qu’on sert au restaurant japonais.

Et ajoute l’une avec malice : « c’est plus universellement connu que la margoz que tu nous a servie tout à l’heure. »

En effet, pour illustrer la saveur « amer », j’avais proposé :

 

Si loin de mon île

Comme elle semble désirable

La margoz amère                     (version pour zorèy)

 

Si loin de mon île

Comme il semble désirable

Le goût de la margoz             (version pour créole)

 

Taquinerie amicale, soit. Cependant, je me suis presque sentie coupable de ne pas fréquenter plus souvent les établissements japonais, de ne pas savoir intégrer à ma culture ce concept « universel » du wasabi. Évidemment, le vert yab de la margoz ne saurait rêver d’atteindre au sublime du vert japonais.

 

(Petit journal de lune 23, 8 avril 2020)

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