Orpailleur
ORPAILLEUR
J’ai mis la main sur la richesse des peuples
comme sur un nid
Comme on ramasse des œufs abandonnés
j’ai ramassé toute la terre
et il n’y a pas eu un battement d’ailes
pas un bec ouvert,
pas un cri.
Ce texte si actuel est extrait du Livre du Prophète Isaïe et décrit bien les agissements humains. Nous qui croyons posséder la force et la sagesse, nous n’agissons qu’en prédateurs : enfer de chaque jour dans lequel s’enlise parfois mes pensées et mes élans.
Et puis ce chant d’oiseau qui me remercie pour une obole d’eau — c’est sur mon balcon, les piafs ! à l’abri des chats — me permet de passer outre et de me perdre dans la légèreté d’un nuage. Comme elle me remplit d’émotion aujourd’hui !
À l’angle de l’avocatier
j’ai cru voir passer
un paille-en-queue
Pourquoi en douter ? Le paille-en-queue n’est qu’un avatar d’ange. Il vient repeindre mon matin d’émerveillement. Malgré tout.
Et qui viendra me tenir la main pour colorer mon écriture d’une « sensualité subtile » ?
Ne pas trop puiser dans mon « enfer » personnel non plus. Il vaut mieux parfois se taire, non-dire, comme le chercheur d’or, l’orpailleur qui ne se glorifie que des pépites recueillies et tait l’abondant gravier terne pris dans sa batée.
L’écrivain, le poète est un orpailleur de mémoire, de subconscient. Pourquoi se vanterait-on des cailloux trouvés dans les lentilles au lieu de louer la saveur du plat ?
Chapitre clos sur mes velléités d’écrire Eros, donc. Plutôt ce poème (villanelle) écrit en 2004 :
LES ORPAILLEURS
Les orpailleurs de mémoire
Le long des berges du Temps
Glanent leurs rimes de moire
L’azur du ciel écritoire
Inspire en hymnes fervents
Les orpailleurs de mémoire
Ils vont, sans souci de gloire
Et, sur la rose des vents
Glanent leurs rimes de moire
Chaque saison est grimoire
Dont ils déchiffrent les chants
Les orpailleurs de mémoire
Passeurs de rêve ou d’Histoire
Les poètes du printemps
Glanent leurs rimes de moire
Dans leur quête aléatoire
Criblant tout l’or des instants
Les orpailleurs de mémoire
Glanent leurs rimes de moire.
(15 juillet 2020)