Cherche inspiration
CHERCHE INSPIRATION
Temps qui passe
et que mes yeux voient
en fragments épars
Cherche inspiration pour sens mal réveillés. Dernière gorgée de café. Rien ne se passe… enfin, si ! La tasse est vide.
Tant qu’à contempler le vide, méditer sur ce poème de Guillevic un peu désincarné à la première lecture :
L’assiette est blanche
Et presque on pourrait la toucher
Vois la main qui avance
Et tremble sur les bords
Comme un oiseau de proie
Qui n’en croirait ses yeux
Ah ! Le « presque » du deuxième vers ! Il dit tout. Ou presque.
L’assiette, pourtant, n’est pas mobile comme d’Achille, celle que ne saurait atteindre la flèche. À cause du mouvement de la flèche et de l’animal. Lorsque la flèche aura avancé d’un coma, la tortue elle aussi, s’est déplacée d’un coma et donc se trouve hors d’atteinte. Paradoxe… qui est dans le mouvement continu que l’on fragmente en discontinu.
Et voilà pourquoi la main tremble et que l’aigle qui n’atteindra jamais sa proie, s’ébahit. Guillevic aimait tant jouer des notions mathématiques.
Pénétrer au cœur d’un poème, faire siens les mots d’un autre. Les assembler pour son propre poème-haïku. La gageure !
L’assiette est proie
on la croirait oiseau blanc
la toucher presque
J’aime ce jeu de pioche à travers le texte d’un autre auteur. Et la construction/reconstruction d’un poème sous-jacent dans lequel demeure, j’ose le croire, un peut de l’esprit du poète-source.
Un poème est toujours multiple. Notre lecture le démultiplie, comme on extirpe d’une botte d’oignons « multipliants », une tige qui devient l’unique saveur que nos papilles attendent.
Le ciel aussi est blanc. En extraire un fragment de nuage — Il deviendra mon nuage — et goûter au bleu qui se révèle derrière.
(28 juillet 2020)