Les contours du liseron
LES CONTOURS D’UN LISERON
Liseron
d’un point à un autre
volubile
Le liseron s’attache où il veut ; de préférence à une autre plante ; il dédaigne la balustrade en fer du balcon… tant pis pour moi qui rêvais guirlande vert et bleu.
Mais le liseron ne pousse pas pour moi. Oh ! Peut-être un petit peu… tout de même ?
Il y a une longue complicité entre la gent volubilis et moi. Son effet kass kontour me séduit.
A-t-on recensé le plus long liseron du monde ? Y a-t-il un institut de mesure des lianes vagabondes ? Un concours pour jardins en liberté ? Celui qui baguenaude au sommet de l’avocatier, figurerait-il au livre des records ?
Tant de choses seraient intéressantes à connaître, à annoncer ! Belles choses que clameraient les hérauts aux quatre horizons de notre ronde terre : Oyez ! Oyez !
Retour aux émerveillements, pensées douceurs pour égayer les jours d’avant, d’après, de pendant nos pandémies, nos palinodies…
Palinodie : mot trompe-l’œil qui cache sous ses phonèmes lisses (rimant avec mélodie ?) de bien vilains sous-entendus.
Mot dont on ignore souvent la signification, qu’on emploie à contresens. Paresse à consulter un dictionnaire. « Vous croyez que c’est une bonne chose que d’obliger les lecteurs à avoir un dictionnaire à côté ? » m’a interpellée une lycéenne à qui je proposais un simple roman jeunesse « Lambrequins et vieux bardeaux » ?
Je pense aux mots de Monique Séverin dans Opus incertum (paru aux éditions SURYA en 2014) : aboulie, anamorphose, antigonie, entéléchie… pour décrire nos fragments de réalité réunionnaise, jamais acceptée pour ce qu’elle est, mal réveillée de son lourd passé d’esclavagisme et de colonialisme. Peuple en déni d’identité, d’acceptation de ses spécificités métisses. Quant aux discours dont on nous abreuve :
Basses messes
Convoquées en grande pompe
Agapè Épicure
Rahat-loukoum
Repos pour les gorges loquaces logorrhéiques
Promptes en palinodies
Machiavel Judas
Un ouvrage fort, âpre, capable de réveiller les consciences… et qu’on ne trouve que rarement sur les étals de nos librairies et dans les rayons des bibliothèques de l’île.
Opus incertum* *œuvre irrégulière
l’art consommé du liseron
qui sait où il va
en permanent marronnage
kass kontour dann shomin droite
(8 janvier 2021)