Scènes de nuit
SCÈNES DE NUIT
Jardin de nuit
n’ai-je pas entendu
bruire une palme ?
Au jardin enveloppé d’obscurité, rien ne bouge. Si ce n’est cette fractale de fougère puisant à je ne sais quelle source lumineuse son étincellement. Causé peut-être par le déplacement d’un lézard, d’un papillon. Invisibles.
Clignotement
qu’insuffle une brise
imperceptible
Tant de mystères nous approchent. Je regarde les ombres s’étaler au mur. Pour me rassurer je m’ingénie à les identifier, à les rattacher au réel des plantes que je sais là.
Hélas ! Je sais pertinemment qu’il y aura toujours un ombre orpheline dans mon appariement. Qui c’est, celle-là ? D’où vient-elle ? La liane qui s’enroule autours du pylône n’a pas pu produire feuilles si larges. L’angoisse de se demander qui (quoi ?) reste tapi là et ne se manifeste qu’au fénoir. Frissons. Je m’empresse de refermer le volet, de l’assujettir avec la bascule, de tourner le verrou plutôt deux fois qu’une…
Ciel uniforme
la petite cuillère crée
tourbillons au café
Ces choses (êtres ?) qui apparaissent à la surface. Venues de l’intérieur du monde, du subconscient que je lui ai créé à force de ressentis — parfois inconscients — afin de le relier à moi.
Petit déjeuner
des belles de nuit éteintes
la fragrance au café
Échos de la nuit qui me quitte en tapinois. Il doit bien rester quelques atomes du parfum des belles de nuit fanées, de tout ce fénoir qu’elles ont habité de leurs corolles qui ne durent qu’une nuitée. Et la vie continue à l’abri des pétales chiffonnés, le temps qu’une graine se forme et s’arrondisse, petite balle noire et grenue, qu’une invisible sarbacane lancera à quelque distance pour perpétuer le buisson, agrandir son territoire, coloniser le terreau des jardinières de thym ou de persil.
(17 mars 2021)