La braise des mots
LA BRAISE DES MOTS
Page d’écriture
à ma disposition tout
le sable du temps
Quels que soient les tracas du moment, je me garderai cette plage d’écriture. Sablier géant que je peux arrêter ou retourner à volonté. Rester au large des rumeurs de la ville, les laisser battre en ressac leurs mauvaises humeurs, leurs affrontements. Le monde est toujours en guerre quelque part et la cité rumine son ciment.
Le jardin d’à côté
n’est plus que béton
reste avec moi petit oiseau !
Mon royaume est au-delà des palinodies, au-delà des faillites de mon corps ; mon royaume est en-deçà, dans la quiétude d’une âme paisible.
Mes mots repoussent au loin les attaques pernicieuses, les traîtrises, les frustrations. Écrire est équilibre de funambule, parfois. Mais il y a toujours une corolle pour nous recueillir, une ombelle de feuilles pour assurer notre stabilité et vivre debout.
Toujours un chant d’oiseau pour me guider ; toujours une facétie de chaton… si petit, qu’il peut grimper à une belle de nuit.
Et puis je repense à « Une vie bouleversée » de Etty Hillesum : poignante leçon de vie et de courage.
Elle qui a connu l’enfer d’un camp nazi, et vécu en restrictions, mise en confinement… sauf l’esprit !
« C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien » dit l’Évangile. Faute d’entretenir cette spiritualité, nous finirons au bord de la route vers la lumière, haletants et jambes coupées…
Écrire cependant afin de faire s’épanouir et briller l’étincelle qui nous illumine. Ainsi certains jours paraît / une flamme à nos yeux… chantait Brel.
Ne pas la laisser s’éteindre. Les mots de chaque matin sont comme braises restées sous la cendre et qu’il s’agit de réanimer. Rester porteur de feu quoi qu’il advienne.
Agir en colibri face à l’incendie… Je regarde mon jardin renaissant après la pluie et je me dis qu’il est bien triste celui du bétonneur.
Nourriture aussi
la mélodie qui s’élève
du bec du moineau
instillant à mon âme
la joie qui ne finit pas
(20 avril 2021)