Maïs et tourterelles
MAÏS ET TOURTERELLE
le chaton observe
une mouche sur un mur
de soleil et d’ombre
Les oiseaux se chamaillent dans le pié mourong. Où ai-je donc mis la gousse ramassée sur un bout de trottoir ?
Arbre à brèdes médaille. J’aime son feuillage léger que frôlent les ailes. Sous un ciel bleu, gris ou rose.
Les ciels de mai sont si tendres, comme enclins à la poésie.
Je songe souvent à Etty Hillesum (Une vie bouleversée) : elle m’a appris que le plus etit carré de ciel au-dessus de nos têtes est échappée vers l’infini. Et à la méditation.
Le ciel est porte, tenture, entre le visible et l’invisible, entre l’intime et l’universel, entre ici et ailleurs. À la fois matériel (puisque l’œil s’y arrête) et spirituel (puisqu’il symbolise cet au-delà divin auquel on croit parfois et que nous aimerions atteindre).
Je ne sais pas si certains peuvent se contenter de la fadeur du monde circonscrit de béton, si la conscience d’être peut s’épanouir à la lumière des écrans… sans autre horizon que le week-end au centre commercial.
J’ai besoin d’un ciel au-dessus de ma tête, d’une toile à broder de pensées, d’espérances ; j’ai besoin de nuages qui nous tiennent en l’air comme le feraient des aérostats. Quel enfant n’a pas rêvé de s’envoler accroché à une grappe de ballons multicolores ?
Chants de tourterelles
Est-ce elles que j’entendais
près du moulin maïs ?
Maïs et tourterelles. Les deux — je devrais dire « les trois » car je me souviens aussi du ciel — sont indissolublement liés depuis ma lointaine enfance, même si je ne me souviens plus du bruit du moulin maïs. Il y en avait un, artisanal, au bord de la ravine près de la maison ; il ne fonctionnait que pour une courte période après la récolte, broyant la production des agriculteurs alentour : maïs pour animaux, maïs de riz, maïs sosso, tison…
kosa in shoz Devinez quoi…
mil pèr lo ziè i klate mille paires d’yeux brillent
andsou in shonbli la pay sous un toupet de paille
Devinette créole. J’ai gardé un épi de maïs acheté au marché. Les yeux couleur soleil, longtemps, longtemps après… longtemps, longtemps avant… nos menottes qui s’essayaient à l’égrainer pour les poules.
« On ne se souvient pas des jours, on se souvient des instants. » (Cesare Pavese)
(6 mai 2021)