Quelques grains de café
QUELQUES GRAINS DE CAFÉ
Matinée de mai
au soleil qui s’adoucit
étendre mon linge
Quelques cerises de café tout en haut de l’arbuste dégagé du fouillis végétal. J’attendais qu’elles arrivent à maturité pour le rouge de la photo mais… les oiseaux se sont servi les premiers. Tant pis ! De quoi composer une petite comptine :
De quoi qu’y a un ?
Y a qu’une graine sur mon caféier…
Voilà qui redonne espoir et confiance en soi. Conscience de soi, de tout ce que l’on a vécu. Et l’envie de mieux soigner les caféiers, de les arroser, les bichonner afin de profiter d’une récolte plus abondante, l’été prochain.
Retrouver les sensations apportées par les travaux de saison d’autrefois au verger familial : verts paradis que j’ai souvent évoqués sur ce blog ou dans « Souvenirs épars de ma mère » (paru chez L’Harmattan, 2019)
« Café coulé du matin. J’aime son parfum du temps d’enfance. Il draine des images presque souriantes de Grand-mère, veuve éternelle, caparaçonnée dans son veuvage sans concession ni résilience.
…
L’arabica ou le moka venu d’ailleurs, que je sirote , m’apporte l’ombre de Grnad-mère sous les caféiers du verger. C’est elle qui en récoltait les cerises, qui savait à quel moment elles sont mûres à point. Deux petites filles portant des robes jumelles à ses trousses, qui prétendaient l’aider. Elle nous faisait goûter la mince pulpe sucrée autour du grain… après s’être assurée que la baie n’était pas véreuse. »
Le café de Grand-mère.
Ces épisodes de cueillette, séchage, puis concassage dans de grands mortiers afin de libérer les graines, la torréfaction dans la marmite, au feu de bois — tout le voisinage était embaumé : èl i fé griy kafé —, le passage au moulin, la grègue en fer-blanc permettant l’élaboration lente du breuvage au coin du foyer, autant d’évènements qui ont marqué mon enfance. Ma mémoire, désormais, en est dépositaire.
Suis-je trop encline à la nostalgie ? Je ne le pense pas. Cette souvenance-là éclaire, réchauffe, permet de passer outre les tracas quotidiens ; elle est phare, elle donne force et joie.
Mur nu entre nous
le dessin du métallique
m’aide à me souvenir
Lorsque le nouveau voisin a voulu tout enclore de murs, j’ai exigé qu’il conserve au mur mitoyen, ce grillage symbolique, cette séparation douce, cette porte entre nos jardins, que nous pouvions « pousser » virtuellement pour un brin de causette.
Même si mes yeux ne voient plus que le béton, derrière, ce treillis me rappelle la douceur du vivre d’antan.
(12 mai 2021)