Bleu péruvien
BLEU PÉRUVIEN
Chat en tapinois
je l’imite pour surprendre
un secret de fleur
Le ciel garde toujours trace du passage d’un ange. Le ciel est silence, recueillement. Jamais querelles ne s’y reflètent depuis que les dieux se sont endormis. Mes yeux se régalent de toutes ses nuances. En fin de matinée, il sera bleu péruvien.
Émergeant à l’aube
du long sentier des Incas
la vieille montagne
J’ai gardé un tel souvenir de ces incroyables azurs observés au Pérou mais aussi en Bolivie : Cuzco, Machu Picchu, et Copacabana (sur le lac Titicaca)… comme diapositives figées entre univers disparus.
Photos colorées de ponchos, de bonnets, de chapeaux, de jupes tournoyantes. En surimpression — dans ma tête seulement — le son de la quena, El condor pasa… exotisme oblige.
Mais là-bas, les foules sont silencieuses déambulant sur d’antiques pavés. Harmonie avec les ciels andins. Nous échangeons à peine un regard en nous croisant, eux dans leur monde clos de survivance, nous dans notre exubérance de touristes curieux. Impénétrables.
À nos questions (indiscrètes ?), nous n’obtenons que des réponses brèves, parfois juste un geste, un haussement d’épaule, un hochement de tête, gestuelle équivoque ne marquant que notre mutuelle incompréhension linguistique.
Eux parlent quechua et nous…
Trois jeunes françaises qui ne veulent pas voyager idiot. Cochabamba dans le nord du Pérou. Nous ne nous contentons pas de l’exposition des objets artisanaux à ramener en souvenir. Nous voulons savoir comment ils se fabriquent, voir les artisans à l’œuvre.
Ici, nous sommes dans une ville, loin des hermétiques résidents des Andes. Nous nous essayons à l’espagnol, quelques mots de vocabulaire glanés dans des guides succincts. Et force gesticulations.
Notre question (où se fabriquent les objets artisanaux ?) laisse les patients perplexes. No sé !
Quand l’un d’entre eux semble comprendre.
« La casa de los ladrones ? Per aqui ! »
Nous le suivons et notre guide improvisé mène le trio caquetant, et s’esclaffant — Ah ! Ils ne manquent pas d’humour… appeler une fabrique « la maison des voleurs » ! — jusqu’à une petite place et désigne de la main un bâtiment d’aspect plutôt rébarbatif : la prison du coin !
Nous n’avons jamais su le fin mot de l’histoire. Peut-être les prisonniers étaient-ils occupés à la fabrication de ces objets ? Faute de vocabulaire nous n’avons pas pu pousser plus loin notre enquête.
Dans mon souvenir
le ciel par-dessus les Andes
ce bleu a-t-il un nom ?
(18 mai 2021)