Être jardin
ÊTRE JARDIN
Lundi matin
tout à faire dans l’urgence
sauf le haïku
Le temps passe, le temps passe… temps coulé à recueillir et à siroter comme un bon café. Depuis combien de jours, n’ai-je pas eu le loisir de cueillir ces instants qui me sont destinés ?
Cailloux dans la mare
les cercles n’en finissent plus
de se propager
turbulences en cascade
comment m’en débarrasser ?
Seul le jardin — en plein printemps depuis ces pluies singulières d’avril — m’offre son « tout va bien »
Clérodendron touffu
au tronc de l’avocatier
juste quelques pousses
Le vert tendre des feuilles nouvelles émerge à peine de la masse pourpre de la liane enveloppante.
Le jardin sait où il va, résistant à toutes les négligences ; le temps lui est accordé dans son bouquet de plénitude.
Que n’ai-je la capacité de résilience du petit lys des champs qui se courbe sous nos pas et se redresse dans sa splendeur « surpassant celle de Salomon » ?
L’herbe rase et sèche
se pencher
pour les fleurettes roses
Prendre exemple sur elles. Se faire tout petit, devenir invisible au monde. La beauté d’une aube nouvelle dépend de tant d’aléas, de tant d’oublis à consentir.
J’entends la tourterelle. Son chant est pause salutaire pour m’impulser l’élan de vivre. Sans doute est-il aussi l’étincelle qui fait rayonner le jardin.
Être jardin !
Et puis, chasser les chats qui grimpent au benjoin et qui lui abîment l’écorce…
À pas lents je sème
éclats de pelure d’orange
derrière moi
Que le soleil, jamais, ne se perde en chemin !
(24 mai 2021)