La douceur du point-virgule

Publié le par Monique MERABET

La douceur du point-virgule

LA DOUCEUR DU POINT-VIRGULE

 

 

Martins en chamaille

ce krouèk sonore

en point final

 

Saluant peut-être la fin des enfers d’un renga. Point virtuel puisque le tanka, comme le haïku, se passe de ponctuation. Afin de laisser plus grande liberté à la friche des non-dits, aux silences d’un souffle que chaque lecteur a loisir de placer où bon lui semble. Exception faite pour le point d’interrogation, d’exclamation — à utiliser avec parcimonie — pâle imitation du kireji (mots qui permettent d’insister sur le ressenti au moment des faits) japonais.

J’use parfois du point de suspension…

Trop généreusement. Un de mes tics d’écrivain. Mes amies me disent qu’ils sont superfétatoires, redondants ; chaque haïku, chaque tanka ne décrit-il pas, justement, un instant en suspension, un maillage lâche, troué de blancs où viennent s’accrocher les ressentis adventices du lecteur ?

Jamais de point, ni de virgule, — liberté de scansion oblige  — encore moins ce farfelu de point-virgule ! Le poème bref ne supporte pas d’être cloisonné, au seul bénéfice de l’auteur.

Ramage de feuilles

apparaît et disparaît

l'oiseau point-virgule

Ah ! Vous dirai-je que cet objet de ponctuation hybride fait mes délices. Un de mes péchés (mignons ?) d’écriture ? Il me paraît toujours d’un flou délectable. On hésite, on se demande toujours s’il est utile, agréable, honnête de le poser là ce point de dilution de ses atermoiements. Une façon de kass kontour dann shomin droite puisqu’il ne change pas la direction de la phrase. Sa douceur plaît à qui ne veut rien imploser.

Parfois, il arrive lorsqu’on n’ose pas la brutalité du point final, signe fort pour dire Non, pour dire Stop à nos propres sujétions et repartir vers autre chose, autrement.

 

Mon enfant, ma sœur

songe à la douceur

d’aller là-bas

vivre ensemble

aimer à loisir

aimer et mourir

au pays qui nous ressemble.

 

(20 mai 2021)

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