Le tout infini

Publié le par Monique MERABET

Le tout infini

LE TOUT INFINI

 

 

Belles de nuit

un infini se referme

avec leurs corolles

une parenthèse rose

a duré jusqu’à l’aurore

 

Parenthèse entre deux inconnus, notre existence fait d’une infinité d’instants, secondes et toutes ses divisions.

À l’instar des intervalles mathématiques — qu’ils soient ouverts ou fermés — qui ont des propriétés affolantes : entre deux fractions, on peut toujours glisser une autre fraction, et partant, une infinité d’autres fractions. Q, l’ensemble des rationnels…

Bien des potaches sont passés à côté de cette singulière fabrication de nombres, notre conception « naturelle » d’infini, tournée vers l’extérieur.

Et encore, ne parle-t-on pas de ces électrons libres — les trous de Q comme a essayé de me faire dire un lycéen espiègle — nombres irrationnels ou transcendants. Nombres réels schématisés par une droite. Il y a de quoi s’émerveiller de cette infinité intérieure de points ; chaque point concret marqué au crayon, n’est lui-même qu’une nébuleuse de points virtuels.

Quant à les compter… « autant » de nombres représentés sur la droite réelle que de nombres figurant sur un segment aussi « petit » soit-il. L’infini n’est pas mesurable, il n’est comparable qu’à lui-même. Vertige de la pensée !

Place alors aux poètes ! Eux seuls savent le circonscrire de mots, le laisser s’échapper d’un blanc de haïku.

Notion d’infini dont j’ai pris conscience grâce à ce frère mathématicien qui m’amusait et me troublait avec sa notion de partage infini. En voici la transcription poétique (extrait de Mathifolades, éditions L’iroli, 2006)

 

Trente-six souris affamées

lorgnaient un gâteau alléchant,

se trouvant fort embarrassées

de le fractionner équitablement.

deux rats musqués, chevaliers d’industrie,

associés en friponnerie

se présentèrent : clercs de justice !

et offrirent leurs bons offices.

laissez nous faire, dit le plus gros.

Je prends la moitié du gâteau ;

et mon frère, subséquemment,

aura la moitié du restant.

Ensuite, toute la compagnie

de même sorte, sera servie,

chacun recevant le demi de ce qui demeure indivis.

On peut poursuivre à l’infini…

N’est-ce pas là, partage équitable ?

conclut cette âme charitable.

Tout citoyen se voit propriétaire

d’une égale quotité fractionnaire :

une moitié… peu importe les proportions

se gaussèrent, in petto, les fripons.

 

On voit qu’ainsi, sur notre planète,

les richesses se distribuent :

à quelques nantis, escarcelle replète,

à foule de miséreux, la portion congrue.

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