Runes et ruines

Publié le par Monique MERABET

Runes et ruines

 RUNES ET RUINES

 

 

Saluer le jour

au premier arbre aperçu

un feston de fleurs

 

Ruines d’arbres, troncs parcheminés de runes en écaille. Que vous êtes beaux et graves lorsque vous laissez apparaître à travers la marqueterie du temps, des figures, des silhouettes… Pour les capter, il faut les regarder à un moment d’ombre propice, d’une pensée en méditation.

Reconnaître alors la marque des êtres disparus qui ont habité là, d’un ancêtre venu d’outre-mémoire. Je me demande si un jour, mes traits se graveront à l’avocatier, mes cheveux devenus couronne pourpre à la faveur d’une guirlande de clérodendron.

Un arbre pour sépulture, ce serait si beau !

Je relis ce texte de « L’île du non retour ». Petit signe : mon livre s’ouvre juste à la bonne page.

 

LA SÉPULTURE

 

Ici, je mourrai solitaire

sur mon piton de survie ;

mes compagnons sont morts ou restés en galère

près des calbanons noircis.

Je cherche une sépulture

pour y enserrer mes ossements,

je cherche une tombe sûre

loin des ravines, des torrents,

susceptibles, fatale hérésie,

de les entraîner jusqu’à la mer.

la mer m’est un champ de misère ;

la mer n’est pas mon pays.

 

Roi fugace de ces orères sauvages

je me coucherai dans l’antre d’un vieux tronc,

ou dans quelque anfractuosité du paysage

que la vigne marronne et les galabèrs masqueront.

Les oiseaux chanteront matines

à l’heure de Véli, sans me réveiller ;

leur chant bercera de comptines

mes rêves d’enfant ignoré.

 

Je ne crains pas les âmes libres

qui peuplent les cimes des bois de senteur ;

ce sont les mânes infrangibles

des résistants tombés au champ d’honneur.

Leur voisinage m’accompagne

et dans mon vert paradis,

par-delà les contreforts de cette montagne

la brume de la terre natale me bénit.

Un écrivain peut-il trouver agrément à se relire ? Je ne sais pas mais il me semble qu’il est légitime pour le poète de se pencher vers ses écrits passés, vérité d’un ressenti vécu ; pourquoi ne seraient-ils plus vrais et ardents, vingt ans après ?

J’écris ce que je suis, je suis ce que j’écris…

D’ailleurs, renier ces lignes que l’on a pris soin de faire publier, n’est-ce pas irrespect envers le lecteur pour lequel on les a ciselées, livrées en partage ?

 

Feuilles jaunies

attendez encore un peu

avant de tomber

 

(25 août 2021)

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